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recherche à tâtons, parmi les os d’Édouard le Confesseur, après qu’ils avaient pendant plus de six cents ans tranquillement reposé dans la tombe, et de l’extraction du crucifix et de la chaîne d’or du monarque défunt. Pendant seize ans qu’il avait officié dans le chœur, ç’avait été une tradition vulgaire, dit-il, parmi les chantres ses camarades et les employés à tête grise de l’abbaye, que le corps du roi Édouard était renfermé dans une espèce de coffre ou cercueil que l’on voyait d’une manière indistincte dans la partie supérieure de la châsse érigée à sa mémoire. Nulle de ces commères d’abbaye cependant n’en avait osé faire un examen plus approfondi, jusqu’au jour où le digne narrateur, pour satisfaire sa curiosité, parvint au cercueil à l’aide d’une échelle et découvrit qu’il était en bois, très-dur et très-solide selon toute apparence, étant raffermi au moyen de lames de fer.

Par la suite, en 1685, quand on eut besoin de l’estrade qui devait servir pour le couronnement de Jacques II, il se trouva que le cercueil était brisé, une ouverture ayant été remarquée dans le couvercle, probablement le résultat d’une maladresse des ouvriers. Nul n’osa cependant toucher à ce réceptacle sacré de poussière royale, — jusqu’à ce que, plusieurs semaines après, le fait fût parvenu à la connaissance du susdit chantre. Il se rendit incontinent à l’abbaye en compagnie de deux amis qui partageaient ses goûts, qui aimaient à inspecter les tombes. S’étant procuré une échelle, il parvint encore une fois au cercueil et trouva, comme on l’avait rapporté, une ouverture dans le couvercle d’à peu près six pouces de long sur quatre pouces de large, précisément en haut, à gauche. Y ayant introduit la main, et ayant cherché à tâtons parmi les os, il retira de dessous l’épaule un crucifix richement orné et émaillé, attaché à une chaîne d’or de vingt-quatre pouces de long. Il les montra à ses curieux amis, qui en furent aussi surpris que lui-même.

« Pendant que, dit-il, je retirais la croix et la chaîne du cercueil, j’amenai la tête vers l’ouverture et la considérai ; elle était dure et saine, avait la mâchoire supérieure et la mâchoire inférieure intactes et garnies de leurs dents, et une lisière d’or de plus d’un pouce de large, espèce de couronne, autour des tempes. Il y avait aussi dans le cercueil du linge blanc et de la soie à fleurs, couleur d’or, qui paraissaient assez frais ; mais je m’aperçus de suite au toucher que c’était en très-mauvais état. Tous ses os s’y trouvaient, et beaucoup de poussière aussi ; je laissai le tout dans l’état où je l’avais trouvé. »

Il est difficile d’imaginer une leçon donnée d’une façon plus grotesque à l’orgueil de l’homme que cette tête d’Édouard le Confesseur irrévérencieusement saisie dans son cercueil par un chantre curieux et ramenée pour grimacer face à face avec lui par un trou du couvercle !