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et comme j’en dépassais le seuil, il me sembla que je reculais dans le domaine du passé, que je m’égarais au milieu des ombres projetées par les siècles qui ne sont plus.

J’entrai par la cour intérieure de l’école de Westminster, et enfilai un interminable passage bas et voûté, qui ressemblait presque à un souterrain, étant obscurément éclairé d’un seul côté par des ouvertures circulaires pratiquées dans des murs massifs. De cette sombre avenue j’entrevoyais les cloîtres dans le lointain, et la silhouette d’un vieil huissier avec sa robe noire, qui filait le long de leurs voûtes pleines d’ombre, semblable à un spectre échappé de l’une des tombes voisines. Ces tristes et monastiques débris, donnant accès vers l’abbaye, disposent l’esprit à une austère contemplation. Les cloîtres conservent encore quelque chose du calme et de l’isolement des anciens jours. Les murailles grises sont rongées par l’humidité, et l’âge les fait tomber en poussière ; un manteau de mousse blanchâtre a recouvert les inscriptions gravées sur les monuments, et obscurci les têtes de mort et autres emblèmes funèbres. Le fini des coups de ciseau ne se retrouve plus sur les riches festons des arceaux ; les rosaces qui ornaient les clefs de voûte ont perdu le luxe de leur feuillage ; tout porte la marque des insensibles ravages du temps, mais il y a quelque chose d’agréable et de touchant dans cette décrépitude même.

Le soleil versait d’en haut ses jaunes et mélancoliques rayons d’automne dans l’enceinte des cloîtres, frappant au centre sur une maigre couronne de verdure, éclairant un angle du passage voûté d’une espèce de poudreuse splendeur. D’entre les arcades l’œil apercevait un coin de ciel bleu, quelque nuage courant, et allait se poser sur les pinacles de l’abbaye, qui, dorés par le soleil, s’élançaient sous la voûte azurée.

Comme je traversais les cloîtres, contemplant parfois ce pittoresque mélange de gloire et de misère, et parfois m’efforçant de déchiffrer les inscriptions tracées sur les tombes qui formaient le pavé que foulaient mes pieds, mon regard se porta sur trois figures grossièrement sculptées en relief, mais presque enlevées par les pas de nombreuses générations. C’étaient celles de trois des premiers abbés. Les épitaphes étaient entièrement effacées ; il ne restait que les noms, que l’on avait sans doute rétablis à