tre-fiancé ! En ce moment un cri aigu vint frapper son oreille, et sa tante, qu’avait éveillée la musique, et qui l’avait silencieusement suivie jusqu’à la fenêtre, tomba dans ses bras. Quand elle releva la tête le spectre avait disparu.
Des deux femmes la tante était celle qui avait le plus besoin de secours, car elle était tout à fait hors d’elle-même de terreur. Quant à la demoiselle, il y avait, même dans le fantôme de son amant, quelque chose qui ne lui déplaisait pas. Elle y trouvait encore une apparence de beauté mâle, et bien que l’ombre d’un homme ne soit pas précisément de nature à satisfaire la tendresse d’une jeune fille malade d’amour, cependant, lorsqu’il est impossible d’avoir la réalité, c’est encore une consolation. La tante déclara qu’elle ne dormirait plus jamais dans cette chambre ; la nièce, cette fois se révoltant, déclara non moins énergiquement qu’elle ne dormirait dans aucune autre : la conséquence fut qu’elle eût à y dormir toute seule ; mais elle arracha cette promesse à sa tante de ne pas raconter l’histoire du fantôme, de peur qu’on ne lui enviât le seul mélancolique plaisir qui lui fût laissé sur la terre — celui d’habiter une chambre sur laquelle veillait pendant la nuit l’ombre protectrice de son amant.
Combien de temps la bonne vieille dame aurait-elle observé sa promesse, c’est ce qu’on ignore, car elle trouvait un singulier plaisir à causer merveilleux, et puis c’est un triomphe que d’être la première à raconter une histoire effrayante ; cependant on cite encore dans le voisinage, comme un exemple mémorable de discrétion féminine, le fait de l’avoir gardée pour elle une semaine tout entière, quand soudain elle se vit, grâce à Dieu, délivrée de toute contrainte par la nouvelle qui fut un matin apportée pendant qu’on était à table, en train de déjeuner, que la jeune fille ne se trouvait nulle part. Sa chambre était vide — on n’avait pas dormi dans le lit — la fenêtre était ouverte, et l’oiseau s’était envolé.
La douloureuse stupéfaction avec laquelle fut accueillie cette nouvelle ne peut être imaginée que par ceux qui ont été témoins de l’agitation que causent parmi ses amis les désastres d’un grand homme. Les parents pauvres eux-mêmes firent trêve pour un instant aux labeurs de leur infatigable mâchoire, quand la tante, à qui d’abord le saisissement avait ôté la parole, se tordit