nouveaux intimes et de nouveaux plaisirs l’efface de notre esprit, car les scènes, les sphères mêmes dans lesquelles il se mouvait, ondulent incessamment. Mais à la campagne les funérailles font une solennelle impression. Le coup frappé par la mort laisse un vide plus grand dans le cercle du village ; c’est un événement grave et terrible, qui rompt la tranquille uniformité de la vie rustique. La cloche mortuaire tinte son glas funèbre dans toutes les oreilles ; il passe avec sa pénétrante mélancolie sur les montagnes et sur les vallées ; il assombrit le paysage tout entier.
Les traits impassibles et toujours les mêmes de la campagne perpétuent aussi la mémoire de l’ami avec lequel nous en avons joui, qui fut le compagnon de nos promenades les plus solitaires, qui donnait de la vie à chacun de ces tableaux inanimés. Son souvenir s’associe à tous les charmes de la nature ; nous entendons sa voix dans l’écho qu’il aimait naguère à réveiller ; son âme hante le bosquet qu’il visitait autrefois ; nous pensons à lui dans les solitudes sauvages de la montagne, au milieu de la pensive beauté de la vallée. La fraîcheur riante du matin nous rappelle ses sourires rayonnants et sa bondissante gaieté ; et quand le soir à l’aspect sérieux revient avec ses ombres épaisses et son calme pénétrant, nous repassons dans notre esprit mainte causerie délicieuse à l’heure crépusculaire, cette heure pleine d’une mélancolie si douce à l’âme :
Dans tous les lieux déserts vous verrez l’amitié
Paraître et réclamer le tribut de vos larmes ;
Spectre aimé… tant qu’aimer pour l’homme aura des charmes,
Pleuré… jusqu’à la mort de la douce pitié.
Un autre motif pour que la mémoire des morts s’éternise à la campagne, c’est que leurs tombes sont plus immédiatement sous les yeux des survivants. Ils passent auprès quand ils vont prier ; elles frappent leur vue quand leurs cœurs sont attendris par les exercices de la dévotion ; ils y restent longtemps le dimanche, alors que l’esprit est détaché des soins terrestres, et le plus enclin à se détourner des plaisirs présents et des affections présentes, à s’asseoir au milieu des solennels débris du passé. Dans le nord du pays de Galles, les paysans s’agenouillent et prient sur