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arbustes toujours verts, aux suaves parfums, et des fleurs odorantes. Le but semble avoir été d’adoucir les horreurs du tombeau, de tromper l’esprit en l’empêchant de couver les misères de la moribonde humanité ; d’associer la mémoire des morts aux objets les plus beaux, les plus délicats de la nature. Il se passe dans la tombe, avant que la poussière puisse de nouveau se mêler à la poussière sa sœur, une horrible opération. Ce tableau, l’imagination le repousse en frémissant, et nous tâchons de songer encore aux formes que nous avons aimées, en y rattachant ces poétiques associations qu’elles éveillaient lorsqu’elles s’épanouissaient à nos yeux dans leur jeunesse et leur beauté. « Déposez-la dans la terre », dit Laertes en parlant de la vierge sa sœur,


Et que de ce beau corps, si délicat, si pur,
S’élève un jour la violette.


Herrick aussi, dans son Chant funèbre de Jeptha, fait couler à flots parfumés les pensées et les images poétiques ; elles embaument en quelque sorte la mort dans l’esprit de celui qui survit :


Va, dors dans ton repos, sur ton lit odorant,
Et transforme ces lieux en un Éden riant.
Que le baume, la casse et l’encens gras y fument ;
Que leurs douces senteurs à l’envi te parfument.
Que tes femmes, payant leur tribut matinal,
Viennent joncher de fleurs ce tombeau virginal ;
Que des vierges, baignant de pleurs leur face pâle,
Viennent sur ton autel brûler de l’encens mâle ;
Puis, du bruit de leurs pas tremblant de t’éveiller,
Au fond de l’urne, en paix, te laissent sommeiller.


Je pourrais remplir ces pages d’extraits des vieux poëtes anglais qui écrivirent lorsque ces rites étaient plus en vigueur, et qui se complurent souvent à y faire allusion ; mais j’ai déjà cité plus qu’il n’était nécessaire. Je ne puis, toutefois, m’empêcher de transcrire un passage de Shakspeare, dût-il sembler rebattu. C’est l’explication du sens emblématique attaché souvent à ces tributs de fleurs ; il possède en même temps cette magie de l’ex-