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une capricieuse mélancolie qui avait en soi quelque chose de vraiment poétique. La rose se mariait quelquefois au lis, pour former un emblème général de la frêle humanité. « Cette douce fleur, dit Evelyn, portée par une branche entourée d’épines, et le lis qui l’accompagne, sont des symboles naturels de notre existence fugitive, obscure, inquiète et transitoire, qui, tout en produisant pour quelque temps un si brillant effet, n’est pourtant pas sans ses traverses et ses épines. » La nature et la couleur des fleurs, ainsi que la couleur des rubans avec lesquels elles étaient attachées, avaient souvent un rapport particulier avec les qualités ou l’histoire du mort, ou exprimaient les sentiments de celui qui le pleurait. Dans un vieux poëme intitulé le Glas funèbre de Corydon, un amant énumère ainsi les ornements dont il se propose de faire usage :


La nature et l’art vont de fleurs
Tresser une fraîche guirlande,
En fondre les vives couleurs,
Composer mon offrande.

De longs rubans s’y mêleront,
Jaunes et noirs, et dans sa bière
Rubans, guirlande lui diront :
Sa souffrance est amère.

Sa tombe veut aussi des fleurs,
Les plus rares et les plus belles ;
Pour les arroser j’ai mes pleurs,
Qui leur seront fidèles.


La rose blanche, dit-on, se plantait sur la tombe d’une vierge ; sa guirlande était retenue par des rubans blancs, symbole d’une innocence sans tache, bien que parfois on y entrelaçât des rubans noirs, pour exprimer la douleur des survivants. La rose rouge servait, dans l’occasion, à rappeler tel en qui brillait une rare bienveillance ; mais, en général, les roses étaient affectées aux tombeaux des amants. Evelyn nous apprend que la coutume n’en était pas entièrement éteinte de son temps près de l’endroit où il habitait, dans le comté de Surrey, « où les jeunes filles plantaient et décoraient tous les ans de rosiers les tombes de leurs