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ple de cette espèce, peinture de la capricieuse mélancolie d’une jeune fille au cœur brisé :


Voit-elle un lit de fleurs, alors elle soupire,
Et de dire
Que cet endroit serait charmant
Pour y déposer un amant ;
Et près d’elle appelant ses femmes, les convie
A la couvrir de fleurs ainsi qu’un corps sans vie.


La coutume qui consiste à décorer les tombeaux était autrefois universellement répandue : on avait soin de courber au-dessus des branches d’osier, pour protéger le gazon contre toute injure ; autour étaient plantées des fleurs, et des arbustes au feuillage toujours vert. « Nous ornons leurs tombes, dit Évelyn dans sa Sylva, de fleurs et d’arbustes odoriférants, emblèmes exacts de la vie de l’homme que l’on a comparée dans l’Écriture à ces beautés fugitives dont les racines, enterrées dans le déshonneur, se relèvent dans la gloire. » Cet usage est devenu maintenant extrêmement rare en Angleterre ; cependant on peut encore le retrouver dans les cimetières de villages écartés, au milieu des montagnes galloises, et je me souviens d’en avoir vu un exemple dans la petite ville de Ruthen, située à la naissance de la magnifique vallée de Clewyd. Il me fut aussi raconté par un de mes amis, lequel avait assisté aux funérailles d’une jeune fille dans le Glamorganshire, que les femmes du cortége avaient leurs tabliers remplis de fleurs, qu’elles fichèrent autour de la tombe aussitôt que le corps eut été enterré.

Il remarqua plusieurs tombes que l’on avait décorées de la même manière. Comme les fleurs avaient été simplement fichées en terre, et non plantées, elles s’étaient bientôt flétries, et l’on pouvait les voir dans les diverses phases de leur déclin, les unes penchant la tête, d’autres tout à fait mortes. Elles devaient être ensuite remplacées par du houx, du romarin et autres arbustes à feuilles persistantes, qui, sur quelques tombeaux, avaient acquis une grande exubérance et projetaient leur ombre au-dessus des pierres.

Il y avait jadis, dans l’arrangement de ces rustiques offrandes,