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nord, particulièrement dans le Northumberland, et cela produit un charmant bien que mélancolique effet, d’entendre par une soirée silencieuse, au milieu de quelque paysage solitaire, la lugubre mélodie d’un chant funèbre grossissant dans le lointain, et de voir le cortège s’avancer lentement dans la plaine :


Rangés autour de ton cercueil,
En entonnant des chants de deuil,
(Tu souriras à notre zèle),
Nous ferons pleuvoir l’asphodèle ;
Et sur ta pierre d’autres fleurs
Écriront encor nos douleurs.
Herrick.


Le voyageur lui-même ne peut se défendre d’un respect solennel quand des funérailles traversent le silence de ces lieux ; car de tels spectacles, s’offrant au milieu des calmes retraites de la nature, pénètrent profondément dans l’âme. Lorsque le cortége approche, il se découvre et s’arrête pour le laisser passer ; puis il s’y joint silencieusement et l’accompagne au dernier rang, quelquefois jusqu’à la fosse, d’autres fois pendant quelques centaines de mètres. Après avoir payé ce tribut de respect au défunt, il se détourne et continue son voyage.

La riche veine de mélancolie qui circule le long du caractère anglais et qui lui donne quelques-unes de ses grâces les plus nobles et les plus touchantes, se découvre d’une façon charmante dans ces coutumes attendrissantes et dans cette sollicitude du menu peuple rêvant une tombe honorée, silencieuse. Le plus humble paysan, quelque modeste que soit son lot pendant la vie, est jaloux qu’un peu de respect s’attache à ses restes mortels. Sir Thomas Overbury, dépeignant « l’heureuse et belle laitière », ajoute : « telle est sa vie, et tout ce qu’elle désire c’est de pouvoir mourir au printemps, afin qu’on fasse tomber une pluie de fleurs sur son linceul. » Les poëtes aussi, qui respirent toujours les sentiments d’une nation, expriment continuellement cette aimable sollicitude au sujet de la tombe. Dans « la Tragédie de la Pucelle, » de Beaumont et Fletcher, se trouve un magnifique exem-