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de tête et un sourire de ses jeunes maîtresses, à la toilette desquelles elle n’a pas été sans prêter la main.

Tenez ! voilà qu’arrive avec fracas la voiture de quelque grand de la Cité, un alderman ou un shérif peut-être, tandis que le bruit étouffé de pas nombreux annonce un cortège d’enfants de charité, en uniformes d’une coupe antique, chacun son rituel sous le bras.

Le tintement des cloches a cessé, le fracas de la voiture s’est évanoui, le bruit sourd des pas ne se fait plus entendre ; les ouailles sont parquées dans de vieilles églises, accroupies dans des ruelles borgnes de la populeuse Cité, où le bedeau vigilant fait faction, comme le chien de berger, devant le seuil du sanctuaire. Pendant quelque temps tout se tait ; mais bientôt s’épanouit le son grave et pénétrant de l’orgue, roulant et vibrant le long des ruelles et des cours solitaires, et les doux chants du chœur, qui les font retentir de louanges et de mélodies. Jamais je n’ai eu plus conscience de l’effet sanctifiant de la musique d’église que quand je l’ai entendue jaillir comme un fleuve de joie le long des plus profonds recoins de cette grande métropole, l’élevant, pour ainsi dire, au-dessus de toutes les hideuses souillures de la semaine, et emportant au ciel, sur une vague d’harmonie triomphante, la pauvre âme usée par le monde.

Le service du matin est terminé. Les congrégations retournant au logis animent de nouveau les rues ; mais bientôt elles retombent dans le silence. Voici qu’approche le dîner du dimanche, et pour le marchand de la Cité ce n’est point un repas ordinaire. On a plus de loisir à table pour se livrer à la joie d’être ensemble. Des membres de la famille peuvent alors se réunir qui sont séparés par les occupations laborieuses de la semaine. Ce jour-là on permet à l’écolier de venir à la maison paternelle ; un vieil ami de la famille prend au banquet du dimanche son siége accoutumé, redit ses histoires bien connues, et réjouit jeunes et vieux de ses plaisanteries éventées.

Dans l’après-midi, le dimanche, la Cité envoie à flots ses légions respirer l’air pur et jouir du soleil qui s’épanouit dans les parcs et dans les campagnes environnantes. Les satiriques diront ce qu’ils voudront sur les plaisirs rustiques d’un bourgeois de Londres le dimanche, mais il y a toujours pour moi quelque chose