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des regards inquiets, jusqu’à ce qu’il la vît se pencher au-dessus de sa tête ; alors il lui prenait la main, la posait sur son sein, et s’endormait du sommeil tranquille de l’enfant. C’est ainsi qu’il mourut.

Mon premier mouvement, quand j’eus entendu ce simple récit d’affliction, fut de visiter la chaumière de l’infortunée, de lui offrir quelques secours pécuniaires, et, s’il était possible, des consolations. Mais en m’informant je découvris que les bons sentiments des villageois les avaient portés à faire tout ce que la circonstance exigeait ; et comme les pauvres savent mieux que personne comment s’y prendre pour adoucir leurs douleurs mutuelles, je n’osai pas m’avancer.

Le dimanche suivant, j’étais à l’église du village, quand, à ma grande surprise, je vis la pauvre vieille femme descendre en chancelant l’aile qui menait à sa place accoutumée sur les marches de l’autel.

Elle s’était efforcée de mettre quelque chose comme des vêtements de deuil à l’occasion de la mort de son fils ; et rien en pouvait être plus touchant que cette lutte entre l’affection pieuse et l’extrême misère : un ruban noir ou à peu près — un mouchoir noir décoloré, et puis une ou deux tentatives aussi malheureuses pour exprimer par des signes extérieurs cette douleur qui ne s’arrête pas à la surface. Comme je promenais mes regards sur les monuments historiés, sur les magnifiques ornements, sur cette splendeur, aussi froide que le marbre, dont s’entourait la grandeur pour gémir pompeusement sur l’orgueil évanoui, et que je les reportais sur cette pauvre veuve que l’âge et le chagrin courbaient devant l’autel de son Dieu, qui lui tendait les prières et les louanges d’un cœur pieux quoique brisé, je sentis que ce monument vivant de douleur réelle valait à lui seul tous les autres.

Je racontai son histoire à quelques-uns des membres opulents de la congrégation, et ils en furent touchés. Ils s’employèrent pour rendre sa position plus confortable, pour alléger ses afflictions. Mais ce n’était que rendre moins pénibles ses derniers pas vers la tombe. Un dimanche ou deux s’étaient à peine écoulés, que la place qu’elle occupait d’ordinaire à l’église était vide ; et j’appris avec un sentiment de satisfaction, avant de quitter le