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reconnoissoit d’autres distinctions que celles des talens et des vertus.

Ceux qui dès l’origine de la Révolution ont su en saisir l’esprit, et en favoriser les progrès ; ceux-là on dû voir qu’elle tendoit à faire disparoître de dessus le sol de la France, les monstruosités inhumaines ; ceux-là ont vu que si une égalité parfaite de bonheur étoit malheureusement impossible entre les hommes, il étoit du moins possible de rapprocher davantage les intervalles ; ils ont vu qu’il y avoit une disproportion épouvantable entre les travaux du cultivateur et de l’artisan, et le modique salaire qu’il en retiroit ; ils ont vu avec indignation que celui dont les mains robustes donnoient du pain à ses concitoyens, souvent en manquoit lui-même, et l’arrosoit de ses larmes, plus encore que de ses sueurs ; ils ont jeté le regard de la philantropie et de l’humanité sur les campagnes, dans les atteliers, dans les greniers, dans les souterrains de l’indigence, et à côté du travail, qui devoit toujours être accompagné de l’aisance, ils ont vu les haillons de la misere, la pâleur de la faim ; ils ont entendu les plaintes douloureuses du besoin, les cris aigus de la maladie.

D’un autre côté, ils ont vu dans les maisons de la richesse, de l’oisiveté et du vice, tout le raffinement d’un luxe barbare ; et ce qui devoit être la récompense de l’industrie et de la vertu, ils l’ont vu prodiguer aux sang-sues du peuple, à des scélérats couverts d’opprobre et de dorure, et plus engraissés de la substance du malheureux, que du luxe insolent de leurs repas.