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son discours aussi bien dit que bien pensé. Il porta la parole à peu près dans ces termes : —


M. le Président,

Mesdames et Messieurs,

Il y un vieux proverbe qui dit : « il est plus facile de promettre que de tenir : » le proverbe est ancien et tous les anciens proverbes sont vrais, mais jamais je n’ai été plus fermement convaincu de sa vérité que ce soir ; je n’ai qu’un tort c’est de ne pas me l’être rappelé au moment où je faisais la promesse imprudente dont il faut que je m’acquitte en ce moment.

Faire un discours est toujours une tâche embarrassante, mais l’embarras prend des proportions alarmantes jour l’orateur, quand il a l’honneur de s’adresser à un auditoire choisi comme celui qui remplit cette salle.

Je suis encore tout ému de l’enthousiaste bienvenue que vient de recevoir le grand philanthrope américain, le publiciste distingué, Horace Greely. Cet homme qui a blanchi à défendre tous les droits que l’humanité revendique comme ses privilèges imprescriptibles, ne pouvait être indifférent à la cause que nous représentons, sa présence ce soir est un suffrage glorieux pour notre institution. Toutes les libertés sont sœurs. L’ennemi de l’esclavage corporel est forcément l’adversaire irréconciliable de l’esclavage intellectuel ; soldats sous le même drapeau nous lui devons les sympathies dont il recueille les marques en ce moment.

Heureusement que j’arrive après un orateur qui vient de vous parler de tolérance d’une manière si convaincante que je crois sincèrement qu’il prévoyait le besoin que j’avais de réclamer la vôtre.

Et puis, ce n’est pas moi qui l’ai voulu, ce sont les membres du comité organisateur de cette séance ; je vous cacherai leur noms, mais puissiez-vous leur en vouloir assez pour qu’ils ne commettent plus d’ici à longtemps la même faute que je suis bien disposé à ne pas leur pardonner.

Cependant, ma crainte est amplement compensée par le plaisir que j’éprouve comme membre de l’Institut-Canadien à rencontrer ici tous les amis éclairés de la science et du progrès.

Votre présence est une approbation solennelle de la voie qu’a toujours suivie l’Institut depuis sa fondation sans en dévier d’un iota malgré les obstacles sans nombre accumulés sur cette voie.

Il y a en Canada comme ailleurs, comme dans tous les pays où on lit et où l’on pense une sève ardente, passionnée qui circule dans chaque fibre vivante du corps social ; cette sève c’est l’idée de liberté et de progrès. Cette idée crée deux révolutions en Canada : l’amour de la liberté se manifesta par l’impuissant mais généreux soulèvement de 1837, — l’amour du progrès créa l’Institut-Canadien en 1844.

L’Institut-Canadien fut fondé non pas par un parti politique, non pas par une dénomination religieuse particulière, il fut fondé par et pour les amis de l’étude mais surtout pour la jeunesse.

Tous s’y portèrent en foule : catholiques et protestants s’y réunirent sous le même drapeau, sans se demander qui ils étaient et ce qu’ils croyaient ; et qu’avaient-ils besoin de se le demander, leur devise étant là pour leur répondre : Altus tendimus nous voulons marcher, nous voulons le bien de notre pays ; noble devise qui convient à toute religion, à toute croyance politique, noble aspiration qu’il suffit d’être homme pour comprendre.

Ceux que la même pensée avait réunis se serrèrent la main et se dirent « travail et concorde » ; la ruche laborieuse se mit à l’œuvre et multipliait avec activité ses rayons quand les frelons jaloux troublèrent son travail.

Ils ne l’ont pas tuée mais ils ont ralenti son progrès.

Pourquoi cette guerre, chacun le sait : — nous n’avions pas changé notre drapeau ; jusque-là notre devise n’avait effrayé personne ; des évêques l’avaient répétée dans des salles. L’élan avait eu son retentissement ; dans toutes les parties du pays des institutions semblables surgirent et se rallièrent à nous : le peuple allait donc lire, le peuple allait donc se demander ce qui se passait autour de lui. Depuis l’éteignoir a fait son œuvre, et le peuple ne lit plus ou ne lit pas ce qu’il veut.

Seul l’Institut-Canadien, dernier rempart où s’abrite la pensée libre, survécut à cet immense anéantissement. On créa des sociétés rivales pour nous enlever nos membres, nous en vîmes un grand nombre nous laisser, mais l’élite resta serrée autour du drapeau menacé. Nous ne sommes pas demeurés plus faibles, car la fuite des transfuges n’affaiblit jamais une armée ; mais les résultats furent paralysés en partie.

Les timides, les ignorants s’étaient effrayés de censures injustes qu’une autorité supérieure ne pourrait confirmer. Les doctrines de l’Institut-Canadien étaient anti-catholiques et impies, disait-on de l’autre côté. Prétexte ridicule, amère décision ! L’Institut pourrait-il avoir des doctrines ou des croyances dont ses membres fussent solidaires ? Évidemment non. Si les membres en assemblée eussent consacré des principes faux, chacun était libre de les combattre et ceux seuls qui les avaient soutenus en demeuraient responsables.

Non, une association ne peut pas avoir de doctrines, mais elle peut avoir un but et chaque membre de cette association travaille pour atteindre ce but. S’il est mauvais, l’association est dangereuse, s’il est bon, l’association est utile. Voilà, il me semble, quelque chose qui ne peut se nier. Eh bien, je vous le demande, quel est le but de cette association ? L’article II de sa constitution nous le dit clairement : « L’Institut-Canadien est fondé dans un but d’union, d’instruction mutuelle et de progrès général. »

Nous n’exigeons aucune profession de foi,