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rai de décisions de congrégations romaines qui leur causeront des surprises.

Un nombre considérable d’ouvrages sur l’économie politique sont à l’index et ce ne sont certainement pas de mauvais livres.

XLI

Or c’est précisément parce que l’on a poussé trop loin le principe de la condamnation des livres, que les prohibitions de la congrégation de l’index n’ont jamais été reconnues en France. C’était une maxime de l’ancien clergé français que l’index n’avait pas force de loi en France : Index non viget in Gallid. La France était certainement un pays catholique pourtant ! Et Mgr Frayssinous ne dit-il pas : qu’en France on ne reconnaît pas l’inquisition. Voilà pourquoi on ne reconnaissait pas la congrégation de l’index qui n’est qu’une branche de l’ancienne inquisition. Quand on a mis à l’index la célèbre déclaration de 1682, qui reposait sur le principe essentiellement évangélique « que la mission de l’église ici bas ne s’étend qu’au domaine purement spirituel » le clergé de France a-t-il cessé d’être catholique parce qu’il a déclaré l’index illégitime et abusif ? Certainement non ! La mise à l’index ne lie donc pas nécessairement la conscience.

Je trouve dans M. de Châteaubriand, catholique éclairé je suppose, la phrase suivante : « Cette congrégation de l’index, qui fait tant de bruit chez nous, en fait fort peu ici. (il écrit de Rome). Pour quelques sous on obtient la permission de lire l’ouvrage défendu. » Eh bien, le péché n’est donc pas si grand puisqu’avec quelques sous la permission se donne ! Mais je dois dire que cette permissions ne s’accorde pas pour les livres obscènes ou immoraux. Mais pour les autres ouvrages, même les ouvrages philosophiques, la permission se donne très facilement. Nous ne sommes donc pas de si grands coupables !

XLII

Mais nous avons quelques livres philosophiques qu’il vaut mieux, nous dit-on, ne pas mettre entre les mains de tout le monde. Accordé ! Nous savons admettre ce qui est raisonnable ! Nous avons donc porté le catalogue de notre bibliothèque à l’évêque diocésain, en le priant de vouloir bien indiquer les livres qu’il croirait nécessaire de séquestrer. Sa Grandeur garda le catalogue six mois et nous le rendit alors en refusant d’indiquer ces livres ; tout en nous disant néanmoins qu’il y en avait. Il nous avait dit auparavant : « Vous avez là du poison ! » et ce jour là il nous dit : « Je ne vous l’indiquerai pas ! » Quelle était la raison du refus ? Nous avions offert de séquestrer les livres, mais non de les faire disparaître entièrement. Mais il faut remarquer que nous ne pouvons pas faire disparaître entièrement des livres qui sont propriété commune. Tout membre qui sera opposé à leur élimination complète peut invoquer la loi pour les faire rapporter. On nous inflige donc les censures ecclésiastiques pour nous forcer de faire ce que nous ne pouvons pas faire ; ce qu’un seul de nos membres peut empêcher en invoquant la loi ! On exige de nous l’impossible, et on nous punit parce que nous ne le faisons pas !

Nous offrons néanmoins de faire ce que nous pouvons faire : séquestrer les livres. On refuse ! — Ôtez-les ! — Mais la loi nous en empêche ! — Eh bien, restez excommuniés !

Voilà la justice que nous avons eue !

Et je dois ajouter que nous ne montrions rien, après tout, de cette insubordination que l’on nous reproche avec tant d’amertume, puisque nous avions informé l’autorité ecclésiastique qu’une majorité de l’Institut, avait adopté une résolution déclarant que l’on ne devait pas soulever, dans l’Institut de discussions, de nature à blesser les convictions ou les susceptibilités religieuses de ses membres. N’était-ce pas là montrer du bon vouloir ? Et je vous le demande à tous : En avons-nous été mieux traités ?

XLIII.

Mais nous avons fait un appel à Rome. Il y a déjà quatre ans de cela. Quelques prêtres instruits nous avaient dit : « Portez donc votre affaire à Rome. Une fois en règle là par un appel, nous n’avons plus de raison de refuser l’absolution à vos membres. »

Quelques uns d’entre nous signent donc une supplique à Sa Sainteté en leur capacité individuelle. Nous pensions naturellement nous être mis en règle, puisque nous avions agi sur l’avis de théologiens. Après notre appel, en effet, quelques prêtres ont accordé l’absolution aux membres de l’Institut. Mais voilà que tout à coup, et sans nouveau grief, ordre est derechef donné de refuser toute absolution aux membres de l’Institut ! Réclame est faite. L’autorité locale répond que les membres de l’Institut sont des rebelles à l’église. Quoi ! malgré l’appel ? Oui, malgré l’appel ! Mais c’est donc être rebelle à l’Église que s’adresser à son chef pour se plaindre d’une sévérité outrée, et même d’une injustice réelle ! Car enfin il y avait deux injustices dont nous nous plaignions : celle de ne pas avoir été entendus avant condamnation qui ne nous a jamais été signifiée publiquement ou privément, et aussi celle de nous refuser, quand nous portons notre catalogue, d’indiquer les livres que l’on jugeait condamnables.

Fallait-il donc, en faisant notre appel, avouer que nous avions tort ? Pourquoi l’appel alors ? Rebelles à l’église en dépit d’un appel à son chef ! Se comprend-t-on bien ? Voilà pourtant ce qu’on nous a dit ! Et c’est toujours nous qui, traités ainsi, sommes des rebelles et des orgueilleux !…

Eh bien, je le répète ; il y avait une autre manière de nous traiter, et cette rigueur opiniâtre ne nous a pas paru précisément apostolique.