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intellectuelle, précisément comme ses effets dans l’ordre publique sont l’anarchie sociale.

XXXV

Et Messieurs où trouverions-nous un plus frappant exemple d’intolérance que la situation que l’on nous a faite à nous-même ? J’en parle ici parce que les journaux de la réaction ont redoublé d’insultes, dernièrement, à notre adresse ; et puisque c’est là leur manière de pratiquer l’évangile, il doit nous être permis de résumer les faits qui nous concernent.

D’où viennent nos difficultés ? De ce que nous avons des membres protestants ; de ce que nous recevons des journaux protestants, et de ce que nous avons quelques livres philosophiques à l’index. On nous chicane aussi beaucoup sur ce que quelques membres de l’institut ont exprimé des idées erronées.

Admettons que quelques-uns d’entre nous aient pu parler avec irréflexion, ou sans étude suffisante des questions : pourquoi donc est-ce un cas beaucoup plus pendable chez nous que chez les autres ? Les membres de l’Institut sont-ils donc les seuls en Canada qui manquent quelquefois de maturité ? N’avons-nous jamais entendu, ailleurs, que des choses brillantes et justes ? Personne ne se trompe excepté nous, en Canada ? Eh bien, même si nous nous trompons, est-ce par l’injure et l’insulte qu’on nous le fera voir ? Est-ce même par des condamnations passionnées, portées sans nous entendre, et sur des rapports inexacts.

Quoi ! les membres de l’Institut seraient les seules gens en Canada qui n’eussent pas le droit de se tromper ? Que vous semble de la prétention ?

XXXVI

Mais quelle assertion plus erronée, plus coupable, à tous les points de vue possible, que c’est un péché grave, digne du refus de sépulture ecclésiastique, que de voter pour un député libéral ? Cela s’est pourtant dit dans cent chaires, l’année dernière ! Quel est le membre de l’Institut qui a jamais rien affirmé d’aussi anti-social et d’aussi anti-catholique ! Que l’on cesse donc alors d’appeler toutes les foudres du ciel sur nous pour quelques torts, si l’on veut, mais purement individuels, et infiniment moins nombreux, et surtout moins graves, dans l’espèce, que ceux que nous voyons ailleurs ! Nous nous trompons : anathème : D’autres se trompent bien plus gravement, puisque souvent ils trompent ceux qu’ils sont chargés de diriger… Ah ! n’en soufflez mot ! Ne nous touchez pas ! — Mais vous nous calomniez bien, vous ! pourquoi ne nous défendrions-nous pas ?

On nous reproche de pécher par top de tolérance ; cela se peut : mais nous croyons honnêtement être beaucoup moins coupables que ceux qui pèchent par trop d’intolérance, et qui, obligés d’être justes au moins, sinon indulgents, nous rebutent avec dureté, après nous avoir condamnés sans nous entendre. Car enfin toute la question est là ! Une condamnation a été portée contre nous sans qu’on nous ait jamais offert l’occasion de présenter notre défense et d’exposer nos raisons. Une pareille condamnation est nulle en droit civil : comment serait-elle juste et régulière en droit ecclésiastique ?

Mais nous avons des journaux protestants ! Eh, sans doute ! nous avons des protestants comme membres ! Mais les autres cabinets de lecture ou chambres de nouvelles, où la majorité est protestante, ont-ils des journaux catholiques ? Sans doute ! ils ont des catholiques comme membres ! Que dirions-nous si, dans les autres cabinets de lecture, on éliminait soigneusement tous les journaux catholiques ? Nous crierions à l’intolérance protestante ! Il faut donc toujours en revenir là : « faites pour les autres ce que vous voulez qu’ils fassent pour vous ! » « Accordez aux autres les droits, où les privilèges, que vous réclamez pour vous-même ! »

Et si nous ne pouvons pas catholiquement posséder une chambre de nouvelles où l’on peut aller lire les journaux protestants, pourquoi ne dit-on rien aux membres catholiques de la chambre de nouvelles de Montréal, ou du Mechanic’s Institute, où du Mercantile Library Association ? Si nous sommes coupables, eux le sont aussi ! Pourquoi ne frappe-t-on que sur nous ?

XXXVII

Quant au fait d’avoir des protestants comme membres de l’Institut, comment cela peut-il être un si grand crime ici, quand c’est partout ailleurs chose indifférente ! Et ici encore, j’ai une autorité orthodoxe pour m’appuyer.

Il y a deux ou trois ans, l’Institut d’une petite ville de la Province réorganisant sa constitution, le comité chargé de la préparer avait inséré dans le projet une clause qui excluait de l’Institut les protestants.

Le projet fut soumis à l’Évêque ; et celui-ci, homme tolérant et sage, raya de sa main cette clause qui fut laissée de côté.

Ici donc encore — comme sur le sujet du libéralisme en Canada où c’est un péché, et aux États-Unis où c’est une vertu — ici donc encore : Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà !

Pour l’amour de Dieu, que l’on s’accorde donc !

XXXVIII

Mais nous avons quelques livres à l’index. Eh oui ! nous avons quelques livres à l’index, qui se trouvent dans toutes les bibliothèques, même catholiques, de France, d’Angleterre et des États-Unis.

On a dit que nous avions des livres obscènes… c’est faux, et on le sait ; mais il faut nous calomnier, et cela par esprit de religion !

Maintenant bien des personnes croient qu’un livre à l’index est nécessairement un mauvais