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certains autres des peuples asservis profitèrent de l'occasion pour s'émanciper. Le nouvel État tributaire, qui conserva toujours une certaine indépendance intérieure, se divise en une série de provinces administrées par des gouverneurs ou commandants indigènes, pourvus de titres chinois; à leur tête est préposé un chef portant l'ancien titre de Chen-yu ou bien Khan. Beaucoup des Turcs avec leu^s chefs acceptent loyalement, ce semble, ce nouveau régime, et un assez grand nombre vont successivement s'établir paisiblement en dedans des frontières de la Chine — où, à proprement parler, ils ne semblent pas avoir été vus d'un bon œil, — attirés par la civilisation supérieure et la vie plus aisée. Mais au fond la grande majorité des Turcs restent irréconciliables: ils ne peuvent oublier l'ancienne liberté. Les soulèvements vont en croissant; mais, même s'ils sont suivis d'un succès passager, les Chinois parviennent toujours à les étouffer provisoirement.

Il se produit un changement complet à l'apparition d'un nouveau chef ou khan des Turcs, qui descendait de Kie-li-khan [1]. C'est Ko-tO'lo (Stan. Julien) ou Kou-tou-lou ou, conformément à l'ancienne prononciation des signes en question, Kout-toutlouk ou bien Kout-tho-louk (G. Schlegel [2]), c'est-à-dire le turc qutïuy, l'heureux, évidemment non pas son nom personnel, mais son surnom de khan, et, comme tel, fort approprié, si l'on considère les résultats de son activité. Après avoir d'abord commandé une bande de brigands de plus de 5000 hommes, il se proclama khan des Turcs en 681 [3]. Il battit les Chinois en presque toutes les rencontres et vint faire le ravage jusqu'en Chine [4]. Il paraît que les Turcs avaient fait également de grandes incursions dans l'intérieur

  1. D'après Deguignes, 1. c, p. 447; Visdelou, p. 46 b.
  2. Schlegel, Stèle funeraire, p. 23. C'est aussi sous ce nom qu'il est mentionné dans l'inscription chinoise du mon. I, tandis que ce nom ne se trouve pas dans la partie turque, qui ne lui donne qu'une seule fois le nom de II tard s (I E 11 = II E 10) et ne le mentionne d'ailleurs que comme «mon père le kagan>.
  3. Schlegel. I. c. D'après la date fournie en chinois, ibid., note 4 (la 2e année de la période Yong-chun) ce serait toutefois plutôt 683; de même dans Deguignes 1, 1, p. 227; 1, 2, p. 447.
  4. Journ. as. IV, p. 410 et suiv. ; Deguignes, I. c., p. 447—48; Visdelou, I. c.