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c'est seulement peu de temps après ces événements que nous trouvons les Turcs en possession d'une écriture, l'ambassade turque qui alla à Constantinople en 568 apportant des lettres () que Tempereur lit avec l'aide d'interprètes [1]. Rien n'empêche de supposer que ces lettres ont été écrites avec cet alphabet; mais si les choses se sont passées ainsi, ou si leur alphabet a été un de ces autres alphabets dont on a laissé entrevoir l'existence dans ce qui précède, c'est ce dont naturellement on ne saurait rien savoir ni rien prouver [2].

En considérant les formes raides des lettres et l'affinité apparente de certaines d'entre elles avec les formes spécialement araméennes même d'ancien type, on aurait sans doute plutôt l'impression que notre alphabet doit être un peu plus ancien qu'on ne le croirait d'après ces faits. Toutefois, si Thypothèse énoncée p. 45 et suiv., et concernant la cause des formes angulaires des lettres, à l'instar des runes, est bien établie, cette difficulté, il est vrai, disparaît ou peu s'en faut: alors on pourrait expliquer la chose en disant que les lettres auraient reçu pour ce motif un plus fort cachet de raideur et, en apparence, d'antiquité qu'on n'aurait dû s'y attendre d'après l'époque à laquelle elles appartiennent. Mais d'autre part il est naturellement possible aussi — comme des allusions faites par des auteurs chinois peuvent même sembler le confirmer -— que dès l'abord l'alphabet n'ait pas pris naissance chez les l'urcs proprement dits (Tou-kioue), mais chez une autre tribu turque, spécialement celle des Ouigours, d'où il aurait été transporté chez les Turcs [3]. En ce cas, la conclusion serait que l'origine de cet alphabet aurait pu devancer un peu l'époque indiquée. On doit bien sûrement espérer et compter que l'avenir amènera de nouvelles trouvailles qui

  1. Menandre Protector, ch. 18 (Fragm. histor. Graec. coll. C. Muller, IV, Paris 1851, p. 226).
  2. M. Drouin (Revue archéol. VI, 1885), p. 146; Revue numism. 1891. p. 466) songe en ceci à l'alphabet „araméo-kouchan„ (khovarezmien et sogdien) en supposant que «cette écriture resta celle des Turcs occidentaux jusqu'à la conquête ouigoure (745), pendant que les caractères „runiques" étaient employés par les Turcs orientaux de l'Altaï et de Karakorom*.
  3. Comp. Ab.Rémusat, Recherches sur les langues tartares. p. 45; Drouin. Revue archéol. VI. 1885, p. 145; Radioff, Das Kudatku Bilik, p. LXXXIV et suiv.