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a essentiellement trait aux formes conventionnelles des mots ouigours, dont l’exactitude est toutefois très douteuse ; comp. plus bas). Ces faits nous conduisent avec nécessité à une conclusion analogue à celle où l’on est arrivé pour les langues indo-européennes, par exemple, à l’égard du système primitif des voyelles ou des consonnes vélaires et palatales, savoir que, dans les sons vocaliques des langues turques, nous n’avons pas une différentiation postérieure et plus ou moins fortuite des sons primitifs soufflés, mais que, à côté de q, k, t, s, qui peuvent figurer dans toutes les positions, et ^différemment de ceux-ci, les langues turques ont eu, dès l’état primitif (ou du moins, d’un commun accord, antérieurement à toute phase abordable à la science), toutefois pas au commencement des mots, une série de sons vocaliques, y, g, d, z, et en outre b, figurant dans toutes les positions, à côté de p qui est exclu du commencement des mots. C’est donc ce système primitif que nous trouvons conservé, de la manière la plus parfaite, dans la langue ancienne turque des inscriptions. C’est ce môme système qui a été directement continué dans les langues turques du Sud et de l’Asie Centrale, toutefois avec certaines modifications postérieures, par exemple, l’extension, surtout en osmanli, du domaine des sons vocaliques ou diphtongaison en certains cas au lien de ces mêmes sons. Enfin j’espère pouvoir démontrer ailleurs que ce même système a été conservé dans la langue ouigoure, dont l’écriture ne sait pas distinguer, par des signes particuliers, les sons soufflés et les sons vocaliques (comp. cependant l’inscription III), et je regarde comme une grande erreur de vouloir imposer à la langue ouigoure le système phonétique des langues turques du Nord. Loin d’avoir «conservé, de la manière la plus parfaite, le caractère spécifique turc» (Radloff, 1. c, § 334), le système phonétique des langues turques du Nord-Est présente en général, à mon sens beaucoup plus d’écarts du système primitif que ceux des autres langues turques. Un point qui en fournit un exemple éclatant, c’est précisément la manière dont les deux séries mentionnées de consonnes se répartissent dans ces langues (qui ont en général les sons soufflés au commencement et à la fin des mots, les sons vocaliques dans le corps des mots, devant une voyelle, toutefois avec certaines différences dans les différentes langues). Mais ici même il y a beaucoup de phénomènes qu’on ne saurait expliquer qu’en supposant l’existence primitive des sons vocaliques à côté des sons soufflés et indépendamment du système actuel.

Parmi les sons vocaliques, y est prononcé ai :gourd’hui comme fricative pharyngale = arabe P, tandis que g est explosive vélaire ou palatale (remplacée souvent, toutefois, par des fricatives, y ou j). Il est impossible de décider si la prononciation ancienne turque a été la même qu’aujourd’hui, ou si la différence des deux sons a pu par exemple tenir seulement au lieu d’articulation, sans porter en même temps sur leur mode de formation ; peut-être ont-ils été, toutes deux, tantôt explosives, tantôt, et même le plus souvent, fricatives. Concernant 6, qui en tout cas au commencement des mots n’a pu être qu’explosive, voir p. 24—26. Plusi-