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port aux mois, et qui, en outre, ne semble pas usitée depuis trop de siècles (Ideler, loc» cit., p. 210) ; car s’il en était ainsi, il n’y aurait en somme aucun mois au caractère cyclique Sintcheou dans cette année chinoise.

Je regarde donc comme prouvé que la date de l’inscription chinoise équivaut au 1er août 732 de notre ère.

Or quant aux Turcs, nous lisons, à la date de 663, dans les annales chinoises qui parlent d’eux : «Ils n’ont point de calendrier, et comptent les années d’après le nombre de fois que les plantes ont verdi» (Journ. asiat, 6^ série^ m, 1864, p. 335). Il n’y a aucun doute que non seulement cette communication ne soit correcte pour la part du temps auquel elle appartient, mais encore que plus tard aussi les Turcs ne devancent ordinairement pas pour l’usage quotidien le point désigné dans la relation. En effet, peut-on voir autre chose dans nos inscriptions qui, n’ayant pas d’autre moyen d’indiquer le moment de tel ou tel événement, le rapportent ^ l’âge du téghin ou du kagan (comp. p. 94) ? Mais aussitôt que, dès la seconde moitié du VI^ siècle, les Chinois ont commencé à faire sentir leur ascendant sur les Turcs et même à recevoir de certains d’entre eux un tribut, une des premières conséquences de ce fait, comme chez tous les peuples qui entraient dans une relation analogue avec les Chinois, c’est l’imposition du calendrier chinois. Suivant Deguignes, Hist, générale des HunSy etc., I, 2, p. 404, ceci eut lieu en 586. Cependant il est permis de douter que, chez les anciens Turcs, l’emploi de ce calendrier ait dépassé notablement la sphère d’action officielle, et les exemples que nos inscriptions fournissent de son emploi, annoncent en outre que l’exactitude du calcul du calendrier et de la désignation de ses divers éléments, a laissé, chez nos Turcs, beaucoup à désirer. (Sur l’emploi de ce même calendrier, originairement chinois, dans d’autres tribus turques, on a un mémoire important, rédigé en 1444 environ à Samarkand par le prince turc Ouloug-beg ; comp. Ideler, Ueber die Zeitrechnung oon Chatâ und Igûv, dans Hist.-philol. Âbhandl. d. Akad. d. Wiss. zu Berlin, aus dem Jahre 1832, p. 271 et suiv.)-

Or, on ne tardera pas à voir que les dates fournies par ce passage, I NE, se basent sur le calendrier chinois. Les années sont désignées d’une manière singulière, conformément à un ancien cycle de 12 ans, usité depuis un temps immémorial et tout à fait uniformément dans toute l’Asie Orientale et Centrale et qui s’emploie acgourd’hui même chez certains peuples. Chaque année de ce cycle porte le nom dun animal, savoir : lo rat ; 2o bœuf ; 3o tigre ou^léopard ; 4o lièvre ; 5o dragon ; 6o serpent ; 7o cheval ; 8o mouton ; 9o singe ; lOo poule ; llo chien ; 12o porc (comp. Abel Rémusat, Recherches sur les langues tartares, I, 1820, p. 300 et suiv. ; Klaproth, Tableaux hisior y p. 169 ; Ideler, Âbhdl. d. Âk. Berlin, 1832, p. 235 ; 1837, p. 276 et suiv). Ici, nous sommes en présence des deux d’entre ces noms : l’année du Mouton (qoi) et celle du Singe (hiëin, non piâin, comme l’écrit RadlofT ; l’inscription porte très nettement 5t , non 1 ; comp. aussi plus haut, p 24). Cependant, comme ces dénominations des années n’ont, au plus haut degré, qu’une valeur relative, et non pas absolue, il serait impossible de décider quelles années du Mouton et du Singe on veut désigner, si nous n’avions la date de l’inscription chinoise.