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ciens Turcs. L’univers est supposé se composer d’un certain nombre de couches. Dix-sept couches par en haut constituent le ciel, empire de la lumière ; sept ou neuf couches constituent les enfers, empire des ténèbres. Entre ces deux empires est située la surface de la terre, séjour du genre humain, qui est sous l’influence des deux empires (comp. I E 1) Celui qui a créé le ciel, la terre et les hommes avec toutes autres choses, s’appelle, chez les Turcs de l’Altaï, Tengere Kaira kan (= TànriJ ; il réside aujourd’hui même dans la couche suprême du ciel, d’où il régit les destinées de l’univers. Les autres couches célestes sont occupées d’une série de divers bons esprits ou divinités, et là est aussi entre autres le paradis, où les ancêtres des hommes actuellement vivants demeurent comme intermédiaires entre les dieux du ciel et leurs propres descendants sur la terre Dans les couches souterraines résident d’une manière semblable divers êtres malins et gobelins, qui cherchent à nuire aux hommes ; là est aussi l’enfer, séjour des maudits. Enfin, la terre elle-même est supposée personnifiée dans un nombre de génies bienveillants, qu’on désigne en bloc sous le nom de Yer-sou (identique au jir-sub, c’est-à-dire terre et eau, des inscriptions) et dont chacun a sa demeure soit sur les sommets élevés des montagnes, soit près des sources des rivières. Ce sont ces divinités Yer-sou auxquelles les hommes touchent de plus près, dont ils reçoivent les bienfaits et auxquelles ils sacrifient ; et même, à chaque défilé dangereux, à chaque passage d’un torrent rapide, le voyageur rend des actions de grâces à la divinité de l’endroit. Les hommes n’osent s’adresser directement aux dieux du ciel ; pour cela il leur faut des intermédiaires, qui sont les ancêtres en paradis. Mais les vivants n*ont pas tous au même degré la force de se mettre en rapport avec ces ancêtres : ce don est réservé surtout aux familles chamaniques. —

Sur le mot yduq voir p. 27, note 3. Radloff, Wôrterb., I, p. 1882 et suiv., rend l’oiiig. i/dyq, yduq par «das von Gott geschickte Verhângnisz ; (von Gott) gesendel, glùcklich, gesegnet» ; dans les dialectes de l’Altaï, ibid., p 1859, 1414, yjyq, <>/, dans les dialectes de l’Abakan, p. 1397, y :syq, «Gott geweihl, zum Opfer bestimmt, auf ein Opfer bezûglich» {yjyq tû, «ein heiliger, geweihter Berg», //v//7 tny, «der Opferberg» [mont situé près de l’Abakan]). De même, le yakoute ytyk cgeachtet, verehrl ; heilig» {ytyk x^^J^h ^àer verehrte Felsen» [nom d’un rocher situé près de Yakoutsk]), Bôhtlingk, Wortcrh., p. 30. Je traduis partout yduq par «saint» ou «sacré» ; ajouté à des noms de montagnes ou de sources, je suppose que ce mot doit exprimer du respect envers les divinités de l’endroit, sans que pour cela ces endroits doivent toujours être particulièrement sacrés (voir 1 E 23, 11 E 25 bis, 29, 35 bis).

(Voici comment Radloff traduit ce passage : «Da sprach oben der Gott der Tûrken, den die Tûrken ’ihr Land und Wasser’ (jdri subi) nennen, Folgendes»(il lit «^Mr/c aiduq jàri suby anca tânu’s^). Il y a différentes objections à faire contre cette traduction : 1® on peut difficilement dire que les Turcs appellent leur dieu même dans les cieux (tCinrij «leur terre et leur eau» ; ce sont là deux idées différentes ; 2^ quand même la transcription aiduq, nommé, pourrait autrement être défendue, ce dont je ne peux pas convenir (comp. p. 27 et suiv., note 3), cette interprétation n’en serait pas moins incompatible avec la