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n’y dormirai pas. J’ai près de quarante ans et j’ai produit, jusqu’ici, beaucoup d’ouvrages ; la stricte économie et l’ordre ont toujours présidé à notre petit ménage que l’on cite, j’ose le dire. Cela aurait du me donner, sinon une fortune, du moins une honnête aisance et des épargnes, mes ouvrages étant, (j’ose te l’assurer et, avec toi, je n’ai pas besoin de faire le charlatan), au moins, bien au moins ce que sont ceux des autres, s’ils ne sont parfaits dans un meilleur sens. Eh bien ! je possède en tout bien, en tout meuble, en toute propriété, la simple somme de cent cinquante à cent soixante louis ; de plus, la rentrée des fonds d’un portrait que je viens de peindre d’un seigneur russe, ici. Tous les pourquoi, tu les sais. Ils sont expliqués dans ce que et parce que l’ardeur du gain ne m’a jamais « fait hâter les soins que je donne à mes ouvrages conçus et exécutés dans un sens étranger aux modernes ; car, après tout, leur plus grand défaut, aux yeux de mes ennemis, est de ne pas assez ressembler aux leurs. Je ne sais pas qui, d’eux ou de moi, aura raison à la fin. L’affaire n’est pas encore jugée. Il faut attendre la sentence de la tardive, mais équitable postérité. Toutefois, je veux bien que l’on sache que, depuis longtemps, mes ouvrages ne reconnaissent d’autre discipline que celle des anciens, c’est-à-dire des grands maîtres qui fleurissaient dans ce siècle de glorieuse mémoire où Raphaël posa les bornes éternelles et incontestables du sublime, dans l’art. Je crois avoir prouvé dans mes ouvrages que mon uni-