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beaucoup d’argent, encore que sans aucune espèce de luxe. C’est un pays charmant, délicieux, abondant en tout et en travaux que forcément j’y dois faire pour profiter des sacrifices d’établissement et de toutes autres raisons d’économie, (car on peut compter ici de moitié, à comparer avec Paris). Toutes ces raisons, m’empêchant de m’établir dans la capitale ainsi que je le suis à Florence, me font presque adopter de séjourner encore ici jusqu’à l’époque de la prochaine Exposition. Ce projet n’est pas celui de mon désir, comme tu le peux penser, mais celui de la raison. Bien établi comme je suis ici, j’ai le temps, sans nouvelles dépenses, de produire une grande quantité d’ouvrages commandés qui me feront rond, alors, d’argent et peut-être de gloire. Alors, je quitterai l’Italie, dont j’ai assez, et nous voilà réunis. Qu’en dis-tu ? Et pourquoi ne puis-je espérer que tu ne viennes me rejoindre ? Rien n’est moins incroyable que cela. Bartolini, qui nous a laissés dans son appartement que nous pourrons conserver, j’espère, nous permet en même de t’y garder ton ancienne chambre que je t’offre, à mon tour, avec ton couvert, bien entendu.

Cher ami, voilà que je vais à présent t’entretenir, et tu sais si c’est de bon cœur. Que de moments heureux ! Ne t’y refuse pas. Le bon temps perdu ne se retrouve plus. J’espère que tu t’occupes toujours de musique : c’est une bonne amie que celle-là, point d’infidélité avec elle. Adorons toujours, avec la même ferveur et passion, Gluck, Mozart, Haydn