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prives et nous rends malheureux, en ne venant pas au milieu de tes bons amis.

Bartolini t’écrit et t’en fait ses plaintes. Je ne pourrai jamais assez te dire combien tu as tort et quelle occasion, j’ose dire, tu manques pour venir jouir de ce pays classique que tu ne peux t’empêcher de voir, un jour, et où nous ne serons peut-être plus ; un pays auquel on peut appliquer ce dit-on des Grecs : que l’on mourrait malheureux de n’avoir pas vu le Jupiter Olympien. L’excellent Bartolini, le plus grand sculpteur de ce siècle, qui n’a toujours pour rival que les Anciens, (et ceci est sans adulation, comme tu dois bien le penser), en est enragé et même, tu le désobliges ; car tes conseils, ta sagacité, ton ordre, feraient que ses affaires en iraient mieux. C’est un petit ministère que ses ateliers, sa correspondance et huit ou neuf monuments de marbre qu’il a à faire. Enfin, en t’attendant, il se venge sur nous, nous héberge comme des seigneurs, (car il vit ainsi), et nous comble d’amitié dont les preuves sont au bout des paroles, En vérité, il n’y a rien d’Italien en lui, que son génie et son esprit. Pour le cœur, il est tout Français. Mais il est assez malheureux de n’avoir jamais fait que des ingrats, par toute sorte de charités, de générosités et trop de bontés de cœur. Ajoute à cela qu’il est entouré d’ennemis de toute espèce que lui attire son grand talent qui est, parmi eux, comme une belle et vive lumière au milieu du chaos ; et son esprit juste lui fait mépriser tout ce qui est bourgeois. Enfin, pour éviter