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sus : je consens à me croire gothique, s’il trouve en moi ce défaut. Mais je finis, car je me fais du mauvais sang en vous écrivant et c’en est assez. J’en reviens à vous dire qu’après tout ceci, me lasse et me fatigue, que j’ai peur d’être toujours malheureux et rendre pareillement tous ceux qui m’entourent, car je crois être né sous une mauvaise étoile. J’ai vécu depuis l’âge de raison dans les chagrins, pour moi jamais rien d’heureux entièrement. À Paris, livré à moi-même, soit par ma faute ou involontairement, je n’ai su me conduire dans ma manière de vivre ; et vous en voyez les effets dans le dérangement de mes affaires. Une extrême sensibilité et un désir insatiable de gloire me tourmentent, et ce que j’éprouve depuis quatre mois n’est guère propre à me donner le courage nécessaire pour surmonter tout cela. Mais j’ai peur de vous lasser vous-même et je dois prendre cependant un parti. Je crois que je vais exécuter le tableau de Stratonice que j’aime d’inclination, que ce tableau demi-nature, c’est-à-dire tableau de chevalet, sera encore assez grand pour paraître une belle chose par le précieux et la délicatesse et la beauté ; que ce tableau enfin sera très agréable et gracieux et aisé à placer par sa proportion. Raphaël a fait aussi de petits tableaux qui ne sont pas moins estimés que les grands…


III
Ingres a Gilibert, Florence, 7 octobre 1820.
Florence, 7 octobre 1820.

Mon très cher ami, nous t’avons laissé le temps de la réflexion. Tes bonnes lettres nous font encore mieux sentir, s’il est possible, combien tu nous