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terai de leurs bons avis. Vous êtes assez judicieux et vous avez assez de tact pour sentir et être d’accord avec eux, ce dont je suis bien content. Enfin, mon cher Monsieur Forestier, croyez que je n’ignore pas mes défauts et ce qu’il me reste à acquérir dans cet art divin. Je n’ai pas, je crois, de plus sévère juge que moi-même sur mes ouvrages. Car plus j’avance et plus j’y vois clair, et plus je viens mon tyran ; l’ambition me dévore, vous le savez, et je veux tout ou rien. Me voilà bien brave, n’est-ce pas, pour un homme qui a l’esprit si malade. Il est vrai que voilà le résultat de ce que je pense bien solidement. Mais j’ai des moments où je manderais tout aller promener. J’envie alors le sort de ceux qui ne savent rien et qui jouissent paisiblement de la vie, enfin de ceux qui n’exposent pas au Salon. Mais cela ne dure pas et la fièvre me reprend plus que jamais.

Je me doute bien de la conduite que tient mon cher maître M. David dans tout ceci. Vous me feriez plaisir de m’en écrire un petit mot. Je vous l’ai peint plus d’une fois, cet homme ; mais il aura beau m’écrire, il n’a pas affaire à une bête, il aura beau jeter l’hameçon, il ne m’y prendra pas.

Je suis sensible à la bienveillance de M. Gérard, j’en suis fier, car il ne s’est sur moi jamais démenti, il m’étonnerait cruellement s’il me trompait. Je ne me rends pas encore bien compte de ce qu’il a voulu dire comme style de portrait ; du reste, il est plein d’esprit et j’ai admiré comme vous tout ce qu’il a dit. Pour ce qu’il me conseille, nous avons besoin d’en causer et discuter, car il est urgent de ne pas perdre de temps et de bien commencer. Je me propose de lui écrire incessamment et le remercier de l’intérêt qu’il prend à ce qui me touche. Si j’avais pu écarter mon M. Des. marets à cinq ou six lieues de là, je l’aurais fait, alors qu’il est venu vous interrompre. Le pauvre Robert