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dans mes ouvrages, ni dessin, ni couleur, ni sentiment. J’étouffe, je n’en puis plus. Pardonnez-moi cependant le bruit que je vous fais ; il est causé par le plus grand désespoir.

Ingres.

Dans une autre lettre du 23 nov. 1806, à M. Forestier :

Je n’exposerai plus au Salon, tant que j’aurai de pareils juges ; cela fait trop souffrir, surtout quand on ne peut voir en face cette horde d’aboyeurs à gages. Mais il est peut-être heureux pour moi que je n’y sois pas, car j’aurais fait quelque sottise que ni votre amitié, ni vos bons conseils n’eussent pu empêcher, car les scélérats m’assassinent bien à leur aise et bien lâchement.

Et plus loin :

J’écris à mon cher papa, qui vous aime autant que je vous aime. Je ne sais comment lui parler du Salon ; il n’est pas du tout au courant de ce qui se passe, et ce maudit journal qui parle de ma défaite comme si j’étais vaincu ! Tout cela me chagrine beaucoup, moi qui suis déjà si privé de leur douce présence et qui ne voudrais jouir d’une vraie gloire que pour leur offrir et leur donner de la joie. Ah ! M. Forestier, je ne suis rien moins qu’heureux, il me faut bien du courage pour supporter tant d’amertume et il ne faut rien moins que votre bonne amitié et la divine Providence en laquelle j’espère pour l’avenir… Je reviens à ces fameuses critiques dictées par la rage, la mauvaise foi ou l’ignorance, et ces viles cabales dont vous avez été témoin. Tous les pamphlets criés à la porte du Salon, pleins d’ordures, faits pour les laquais et les faire rire, je ne désire pas les voir, d’abord parce qu’ils me feraient beaucoup de peine, et puis vous savez que je n’aime pas les parodies. Pour les journaux bien ou mal raisonnes, je devais m’y attendre, et si leur critique était juste, je serais le premier à l’avouer et à en profiter. Mais elle est pleine d’inconséquences, d’abord parce