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sources qu’à Rome pour les modèles, objets si essentiels dans l’art. Enfin, ou à Rome, ou à Florence, tu seras alternativement à notre amitié dans l’une de ces belles cités.

Je conçois toutes tes petites raisons, mais je ne vois pas pourquoi ton père ne voudrait pas concourir à te donner même ce qu’il te donne, (quoique avec nous tu peux t’en passer, entends-tu bien), pour procurer à son fils chéri l’occasion de voyager ; ce qui, de tout temps et sous tous les rapports, rend un homme complet. Tu es niché dans un trou (que je voudrais bien revoir, s’il m’était possible, parce qu’à des cœurs bien nés la patrie est chère) ; mais tu as trop de moyens pour que tu ne doives pas mieux vivre, comme homme toujours touché du beau. Songe, mon cher ami, au seul plaisir de taire ensemble les divins quatuors de Haydn, Mozart, Beethoven, avec ton vieux ami ; et je crois que nous pourrions dresser notre Bartolini à faire un second violon ou la quinte, car j’ai appris qu’il a travaillé cet instrument. Eh bien ! qu’en dis-tu ? Avec quel plaisir j’ai appris que tu cultives cet art divin, d’une manière si distinguée. Cela ne m’a pas surpris, car je t’ai toujours connu musicien de la bonne note et doué d’une sensibilité exquise.

Je n’essaierai pas de te parler des arts relatifs à moi, mes plus chères pensées, mes projets, mes opinions, mes persécutions, pour vouloir plutôt suivre l’école de Raphaël que celle de Jouvenet ou la mode, parce que je n’en finirais pas, et