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Depuis deux siècles, notre théâtre n’a plus de rival et, quoi que disent les Romantiques d’outre-mer, il faut bien qu’on finisse par convenir que la scène sur laquelle on représente les chefs-d’œuvre de Corneille, de Molière, de Racine et de tant d’autres, est préférable à celles où se jouent les monstruosités de Shakspeare et d’Otway, les romans dialogues de Schiller et les rapsodies de Kotzebue. C’est une partie de notre gloire nationale.


À l’extrémité d’un des faubourgs de Vienne, on traverse, près de la barrière de Mariahilfif, une petite rue pavée et où l’on passe si peu qu’elle est couverte d’herbe. Vers le milieu de cette rue, s’élève une humble et petite maison, qu’habite le père de la musique, le plus grand génie de son siècle, — le dix-huitième, qui fut l’âge d’or de cet art divin. On frappe ; une bonne petite vieille, une ancienne gouvernante, vous ouvre d’un air riant. Vous montez un petit escalier de bois et vous trouvez, au milieu de la seconde chambre d’un appartement très simple, un vieillard tranquille, assis devant un bureau, absorbé dans la triste pensée que sa vie est tellement nulle en tout le reste qu’il a besoin de visites pour se rappeler ce qu’il a été autrefois. Lorsqu’il voit entrer quelqu’un, un doux sourire paraît sur ses lèvres ; ses yeux se mouillent, son visage se ranime ; il reconnaît son hôte et lui parle de ses premières années. Vous croyez que l’artiste existe encore, mais bientôt il retombe dans son état de léthargie et de tristesse.

François-Joseph Haydn naquit le dernier jour de mars 1732, à Rohrau, bourg situé à quelques lieues de Vienne. Son père était charron et sa mère, avant de se marier, avait été cuisinière au château du comte de Harrach, seigneur du village. Le père de Haydn réunissait à son métier la charge de sacristain de la paroisse. Il avait une belle voix de ténor, aimait son orgue et la musique, quelle qu’elle fût. Dans ses voyages, il avait