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de la nature et qui se fait prendre pour telle. Ils ont négligé ou peu connu ces objets, les regardant comme des distractions du beau qu’ils avaient en vue, et encore parce qu’ils pensaient que ces parties de l’art devaient distraire les spectateurs et eux-mêmes de celles qui leur semblaient dignes de tous leurs soins.

Les Anciens ont affecté de séparer tous les objets, en vertu d’un principe qu’ils ont plus ou moins suivi dans leurs tableaux, et qui leur a surtout attiré la critique des Modernes ; car ceux-ci se sont imposé le principe absolument contraire : celui de tout lier. Mais est-on en droit de condamner les Anciens, parce que nous nous sommes fait des règles ou des principes qui ne sont pas les leurs ? Condamnez donc aussi, insensés, leurs ouvrages dramatiques ; condamnez-les dans tous ceux de leurs chefs-d’œuvre où ils ont cherché la simplicité, lorsqu’on ne cherche aujourd’hui qu’un vain éclat et une pompe mesquine ; lorsque, dans tous les genres, nous montons sur des échasses pour nous faire grands. Leur règle d’espacer les objets, en peinture et en bas-relief, tenait à une autre maxime : celle de chercher surtout la beauté et de la démontrer dans le développement des figures. Attachés surtout aux belles lignes, au choix exquis des formes, ils n’auraient pas consenti, comme nous, à sacrifier des parties considérables d’une figure en les cachant derrière une autre qui l’avoisinait. Ainsi chaque figure se détachait nettement sur le fond et se distinguait dans toutes ses parties. Il n’était pas permis à l’artiste de se livrer à la moindre négligence. Les Anciens n’auraient pas, ainsi que les Modernes, regardé comme de beaux tableaux des ouvrages dans lesquels aucune tête n’a de beauté, dans lesquels toutes les figures sont estropiées ; mais elles plaisent à l’œil des Modernes par un certain vain éclat des tons et par les agencements des groupes.