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Le peintre qui se fie à son compas, s’appuie sur un fantôme qui ne pourra le soutenir.


Il y a peu de personnes, soit instruites ou même ignorantes, qui, si l’on pouvait les engager à dire librement leurs pensées sur les ouvrages des artistes, ne puissent pas leur être utiles par leur avis. Les seules opinions dont on ne tirera aucun fruit sont celles d’un mauvais connaisseur,… d’un Denon, par exemple.

La même sagacité, qui fait qu’un homme excelle dans son talent, doit le guider à faire un usage convenable du jugement des savants et des idées des gens ineptes.

Le peuple ignorant montre aussi peu de goût dans le jugement qu’il porte sur reflet ou le caractère d’un tableau, qu’il en montre dans les objets animés ; et il préférera toujours des attitudes forcées ou guindées et des couleurs brillantes à une noble simplicité et à une grandeur tranquille, telles que nous les voyons représentées dans les tableaux antiques.

C’est, en un mot, dans la nature qu’on peut trouver cette beauté qui fait le principal objet d’un peintre et qui ne doit être cherchée nulle part ailleurs. Il n’est pas plus possible de se former une idée d’une beauté supérieure à celle qu’offre la nature, qu’il ne l’est de concevoir celle d’un sixième sens, ou quelque autre perfection qui dépasse la compréhension de l’esprit humain. Nous sommes obligés d’établir toutes nos idées, même celle de l’Olympe et de ses divins habitants, sur des objets purement terrestres. Ainsi, toute la grande étude de l’art est de savoir regarder la nature et l’imiter.


Figure du Fouetteur, du chevalier d’Arquin ; heaume très brun, noir ; culotte très claire, jaune, et qui prend toute la lumière.

Faire beaucoup de notes pareilles, surtout d’après le Titien et les coloristes.