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comme son modèle, qu’il y a même des arts qui portent sur des principes diamétralement opposés à la nature. La principale et la plus importante chose qu’il faut savoir en peinture, c’est ce que la nature a produit de plus beau et de plus convenable en cet art pour en taire le choix. Tels furent le goût et la manière de sentir des Anciens.


La qualité de détacher les objets en peinture, et que beaucoup de monde regarde comme une chose de la plus haute importance dans un tableau, n’était pas un des objets sur lesquels le Titien, (d’ailleurs le plus grand coloriste de tous), ait le plus fixé son attention. Des peintres d’un mérite inférieur ont fait consister le principal mérite de la peinture, (et cela est encore admis par la tourbe des amateurs qui y éprouvent leur plus grande satisfaction), en ce qu’ils voient une figure autour de laquelle il semble, disent-ils, qu’on puisse tourner. Raphaël et le Titien tiennent, sans contredit, le premier rang parmi les peintres. Or, Raphaël et le Titien paraissent avoir considéré la nature sous des aspects différents : tous deux ont possédé le talent d’étendre leur vue sur le tout, mais le premier a cherché le sublime dans les formes et le second dans le coloris.


Le coloris est un des ornements de la peinture, sa dame d’atours et sa sœur, (ou la dame d’atours de sa sœur ?) C’est le coloris, en effet, qui procure des amateurs et des admirateurs aux plus importantes perfections de l’art.


On a entendu souvent dire à Poussin « que cette application singulière (à traduire le coloris) n’est qu’un obstacle qui empêche de parvenir au véritable but de la peinture ; et que celui qui s’attache au principal acquiert, par la pratique, une assez belle manière de peindre ».