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Il n’y a point de scrupule à copier les Anciens, dont les productions sont regardées comme un trésor commun où chacun peut prendre ce qui lui plaît, et qui nous deviennent propres à tous égards quand nous savons nous en servir avec avantage.

Un peintre habile, qui ne court pas le risque d’être corrompu par des modèles vicieux, saura s’en servir avec avantage. Il tirera parti des classes les plus médiocres qui, en passant par ses mains, acquerront de la perfection ; et il trouvera dans les essais grossiers de l’art, avant son renouvellement des idées originales, des combinaisons raisonnées et, qui plus est, des inventions sublimes.


Ce n’est que le plus bas style des arts, tant en peinture qu’en poésie et en musique, qui plaît naturellement à tous les hommes en général. Les plus sublimes efforts dans les arts n’affectent point les esprits entièrement incultes, ainsi qu’on le sait par expérience. Un goût fin et délicat est le fruit de l’éducation et de l’habitude. Nous recevons seulement en naissant la faculté de nous donner ce goût et de le cultiver ; de même que nous naissons avec la disposition de recevoir les lois et les usages de la société et de nous y conformer. C’est jusqu’à ce point qu’on peut dire qu’il nous est naturel, et rien de plus.

Il est donc bien nécessaire, pour tirer parti de la critique de ses amis, qu’on sache distinguer, par la connaissance de leur caractère, de leur goût, de leur expérience et de leurs observations, jusqu’à quel point ils peuvent nous être utiles. Pour être un bon critique du grand style de l’art, on doit être doué du même goût épuré qui présida à l’ouvrage de l’artiste lui-même.


L’art est si loin de dériver de la nature individuelle ou d’avoir quelque rapport immédiat avec elle, considérée