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porte, j’écrirais : École de Dessin, et je suis sûr que je ferais des peintres !

Qui veut entendre encore le violon de M. Ingres, n’a qu’à venir dans ce petit Musée de Montauban, comme dans un des plus sacrés sanctuaires de l’Art que la France, justement fière, peut comparer aux plus intimes et aux plus vénérables de la Grèce et de l’Italie. C’est dans cette reposante forêt de feuilles déjà jaunies par le temps, comme des ivoires sans prix, qu’il faut entendre le concert d’harmonie donné par cet incomparable virtuose du XIXe siècle à l’assemblée des dieux dont il interprète l’impassible beauté, et à celle des hommes dont il traduit les lignes les plus nobles. La main tendue sur le crayon magique, son archet, les nerfs répondant en force et en délicatesse aux cordes tendues de son merveilleux instrument, il faut le voir interpréter la vie qui passe avec la grâce et la majesté qui en fixent les lignes fugitives pour l’immortalité de leur contemplation. Si Alcibiade ne dut sa célébrité qu’à son chien, Ingres acquit la sienne avec un autre instrument que celui dont Ballot et Rossini purent peut-être sourire.

Le violon de M. Ingres, c’est son dessin.

Un jour, raconte le centenaire Charles Famin qui connut son maître à la villa Médecis, Ingres excursionnait avec un ami dans la campagne romaine. La nuit venue, les deux voyageurs se réfugièrent dans une auberge de contadins où, pour dormir, ils purent trouver une chambre. Ils allaient fermer les yeux quand, d’une chambre voisine, un air de violon se fit entendre si harmonieux, dans la douceur de la nuit bleue et le silence de cette vaste campagne, qu’Ingres, se relevant, courut à la fenêtre et l’ouvrit toute grande. Le suonatore avait fini son ritornello. Alors, prenant aussi son violon qui l’accompagnait dans ses voyages comme son meilleur compagnon de route, il recueillit le motif mélodique qu’il venait d’entendre et ïe fioritura en notes si faciles et si pures, que le souvenir