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ce qui a causé un dérangement si grand dans mon petit ménage que je ne l’ai pas encore réparé, à cause de dettes que j’ai dû contracter pour vivre dans un malheureux moment où je ne pouvais pas vendre un seul tableau.

Je fus obligé alors d’adopter un genre de dessin, (portraits au crayon), métier que j’ai fait à Rome près de deux ans. J’espère que tu reconnaîtras en cela ma bonne étoile. Depuis deux ans, le comte de Blacas, notre ambassadeur, qui m’a remis le pinceau à la main, me distingue et je peins pour lui. J’ai un assez bon nombre de tableaux à faire pour la France et l’Espagne. Mais, comme je fais de la peinture pour la bien faire, je suis long et, par conséquent, je gagne peu, parce que ces tableaux, étant, pour la plupart, de très petite dimension, veulent être très finis. Et, à la fin, c’est tout au plus si j’y retrouve de quoi vivre.

Il faut donc quitter ce pays dans lequel j’ai trop séjourné et dans lequel les « alliés » artistes nous font une autre espèce de guerre, parce que nous valons mieux qu’eux. Ils sont d’accord contre nous, avec une horde de mauvais artistes, Romains et Italiens, pleins de médiocrité et de mauvaise foi. Mais tout ce que j’aurais à te dire là-dessus est trop long.

M. Bardoux voudra bien satisfaire ta curiosité sur d’autres points. C’est un homme sage, instruit, et que j’ai vu avec grand plaisir. Je le charge de te mettre la puce à l’oreille pour venir nous trouver à Rome, où j’ai encore un an à passer. Après