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INGRES AU MUSÉE DE MONTAUBAN

Depuis que la Grèce antique a jeté la clef d’or du temple de beauté dans les flots bleus de l’Hellespont qui ne l’a pas rendue, il faut aller chercher, loin de ses Parthénons athéniens en ruines et de ses Ærariums delphiques disparus, les chefs-d’œuvre de grâce et de majesté qu’elle enfanta. L’Italie, sa voisine et sa conquérante, devait à l’histoire des Arts la continuation de traditions si nobles ; et c’est au foyer de cette fille des Latins, vainqueurs des Grecs, qu’Andromaque exilée a trouvé place pour ses dieux à jamais asservis et ses déesses toujours triomphantes, que nous allons y admirer encore.

Le Belvédère de Rome conserve à la plastique idéale les règles absolues d’une douleur qui sait être humaine en étouffant son cri sous le masque serein du Laocoon et celle d’une beauté qui sait rester divine en s’incarnant dans le corps surhumain d’Apollon. Peut-être la Tribune de Florence dépasse-t-elle ces représentations majestueuses de la douleur qui reste calme et de la grâce qui ne cesse pas d’être humaine, en souffrant inénarrablement l’angoissant et indéridable martyre de Niobé et de ses filles. Les marbres, plus durables que les toiles, nous transmettent ainsi, par de trop rares exemples, les règles de l’art suprême où un Phidias et un Praxitèle élevèrent le génie humain par d’insurpassables ouvrages. Pour remplacer les chefs-d’œuvre d’un Apelle et d’un Zeuxis, également palpitants d’humanité sensible et rayonnants de