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LXXIII
6 septembre 1854.

Je suis absorbé par mon travail que je n’ai jamais tant aimé. Sans doute, par mon grand âge, près de faire mon paquet, (quoique je me porte à merveille), je vis néanmoins très heureux. Je veux faire ce paquet le plus gros et le plus beau possible, voulant, pour ainsi dire, vivre dans la mémoire des hommes. Je me suis mis en tête de finir une quantité de vieilles toiles, grandes et petites ; et cela, avec une ardeur qui étonne tout le monde et qui fait dire que je peins mieux que jamais. Voilà pourquoi, après avoir passé tout le jour à travailler avec une ardeur passionnée, je rentre très fatigué ; et souvent j’ai besoin de travailler encore pour le lendemain, à des lectures et à des études dessinées. Je ne vois personne, (il n’y a plus, pour moi, personne à Paris), ou rarement des amis qui ont l’indulgence d’admirer ma vie présente. Mon excellente femme s’accommode très bien de cette manière de vivre. Elle me fait la solitude bonne et l’embellit, presque tous les soirs, de deux sonates du divin Haydn qu’elle interprète très bien dans le vrai sentiment. Je l’accompagne quelquefois…