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j’ai admiré les belles églises, et surtout leur extérieur, car il n’y a rien au dedans ; j’ai vu le Musée, qui n’est pas mal. Je me suis ennuyé à battre le pavé, allant devant moi, mes poches pleines de cerises et les mangeant dans les rues, mais sans être sensible à rien ; et, à vrai dire, il n’y a rien à voir que des gens qui végètent et qui vivent comme des choux, sans les beaux arts. J’avais heureusement apporté un livre-trésor, les Auteurs grecs dans un seul volume. Alors, ayant terminé mes cerises, je rentrai tristement dans ma chambre, à l’hôtel, où j’allai lire Pindare avec un certain plaisir.

Avec tout cela, je me suis raidi et j’ai dit : « Tu l’as voulu, eh bien ! tu iras jusqu’au bout. Tu sauras ce que c’est que la province ; tu apprendras plus que jamais qu’on ne voyage pas tout seul impunément et que, malgré la terrible vie de Paris, il n’y a que lui d’habitable ou l’Italie ». M’y voilà donc, et j’y ai retrouvé ma triste vie cependant. J’ai subi, hier, mon digne ami, une fatale et bien triste journée, le bout de l’an de ma pauvre bien-aimée et à jamais bien regrettable femme. Tous mes amis ont été la pleurer, comme moi, à l’église où, par les tendres soins de mon cher Gatteaux, je n’ai rien omis pour une mémoire digne d’Elle, s’il était possible. Mais, hélas ! rien ne m’a été rendu, et mes regrets sont éternels.

Ingres.
(Fonds Delaborde)


LXV
À Pauline Gilibert.
Paris, 26 septembre 1850.

Que ne puis-je donc te voir i Je t’ai laissée petite fille et tu es une demoiselle, belle de talents et j’en sais quelque chose. Mais je ne