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qui retentissent au fond de mon cœur déchiré : alors je baisse la tête, et je pleure de douces et amères larmes.

Embrassez en attendant votre bien malheureux ami, qui est aussi bien reconnaissant, et bien sensible aux sentiments de votre bon cœur pour lui. Tout à vous avec mon inaltérable estime et amitié. (Fonds Delaborde).


À Monsieur Paul Lemoyine, statuaihe, poste restante, à Rome. (Mise à la Poste a Mealix, le 10 septembre).

Paris, ce 9 septembre 1849.

Mon cher et vieux ami, je te reconnais à ton bon et tendre souvenir dans une situation qui me rend inconsolable et le plus malheureux de tous les hommes. Je l’ai perdue cette admirable compagne, et sans retour, ma pauvre femme, amie de tous les jours, de tous les moments ; et on ne peut mourir d’un tel affreux désespoir, sans fin, car je ne vois encore pas d’issue pour en sortir d’une manière supportable. Je suis seul, tout seul, et à me refaire un foyer, puisque, n’ayant pu mourir avec elle, je dois lui survivre. Comment ? Je n’en sais rien encore, tant la plaie est saignante. Ah ! mon ami, puisses-tu n’éprouver jamais le mal que donne un tel malheur ! Et pourtant je fais ce que je puis et ne demanderais pas mieux que d’avoir plus de courage ; mais je trouve que j’en ai beaucoup trop, car je la pleure et devrais toujours la pleurer cette excellente femme, à laquelle, il est vrai (et ce m’est une espèce de consolation d’en avoir pu constater la plus éclatante manifestation), tous mes nombreux amis ont rendu hommage à sa digne vertu. Mais tout cela ne me la rend pas, et je suis comme si j’avais reçu un coup qui, me faisant tourner, m’aurait jeté à cent mille lieues et m’a laissé comme stupide