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chère femme, ma pauvre femme, ma seule compagne, je ne la verrai plus ! Mais c’est affreux : car aucune consolation n’est accessible, dans un tel malheur. La foudre n’a pas été plus prompte, dans les huit derniers jours de cette affreuse maladie qui me l’a enlevée sans retour. Plus, je ne la verrai plus ! Que ce mot est désolant ! Ah ! mon cher ami, que je souffre ! Nous pleurons ensemble, je le sens, moi et vous, cher ami, qui l’avez connue et appréciée.

Si quelque chose peut adoucir tant d’amertume, c’est de voir cette démonstration d’estime et d’honneur, qui ressemble à une apothéose en ces durs moments solennels. Tout le monde y était, excepté moi, son trop malheureux époux, qu’on a enlevé et qui y serait mort : — mon Dieu, tant mieux ! car je l’ai bien désirée cette mort. Je ne puis vous dire assez les soins tendres et dévoués de tous ceux qui furent nos amis et dont je le reste encore. Vous auriez fait de même, car je connais votre cœur et votre bonté pour moi.

J’ai écrit à Pauline [1]. Ce n’était pas assez de m’accabler de maux, en me privant de la présence de mon ami d’enfance, il faut que j’apprenne aussi qu’il n’est pas bien…

Oh ! sort cruel, ma vie en est brisée. Je n’ai plus de foyer ; il faut que j’en refasse un, à soixante-neuf ans. En attendant et après beaucoup de soins tristes et pieux, que je dois à ces tendres

  1. Gilibert, père de Pauline.