Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/405

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 393 —


LVII
28 septembre 1848.
À Armand Cambon.

Mon cher Cambon, c’est dur, à mon âge, d’avouer que je suis dans le cas fâcheux d’avoir méfait avec mes meilleurs amis, touchant une impardonnable négligence à leur écrire et a leur exprimer, d’ailleurs, une amitié, un dévouement et un attachement inaltérables ; et surtout tout cela dans des circonstances douloureuses où ils peuvent trouver mon défaut encore plus blâmable. C’est vrai, j’en conviens ; mais que voulez-vous, mon ami, avec les meilleurs sentiments et les meilleures intentions, je retombe toujours. Aimez-moi néanmoins avec mes défauts que, le premier, je déplore et qui me rendent plus malheureux qu’on ne peut se l’imaginer. — À vous, cher ami, je vous dirai aussi que jamais je n’ai été aussi tourmenté, dans ma pauvre vie, comme je le suis même par ce qui devrait me rendre si heureux, après un nouveau succès dont ma modestie… Je ne l’ai pu supporter ; il m’a jeté dans toute la fureur et la passion du travail dont je suis, depuis, tellement possédé que je travaille comme je ne l’ai jamais fait de ma vie. Et croyez aussi que toute la joie de ce travail et le reste de mon existence et le désir de m’élever encore, si Dieu me prête vie, sera d’en rapporter l’honneur à ma charmante ville natale et à mes concitoyens qui m’honorent de tant d’insignes faveurs.