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ne puis te dire. J’ai déjà peint sur cette belle page, quinze têtes et figures. Le tout est dessiné et, si j’avais trois mois, tout serait couvert, en ébauche arrêtée et soignée, à n’y rien changer. Mais on ne peut tout obtenir en ce monde et, le premier novembre, je reprendrai la terrible vie de Paris et les portraits que Dieu confonde !

Ma femme et moi ne sommes pas seuls, ici. Mme Desgoffes et sa fille y sont venus passer huit jours et, depuis, nous y avons eu les dames Hittorf. Le soir, de bonnes et divines sonates de Mozart et de petits jeux innocents, comme le loto. Couchés à dix heures et demie, levés de bonne heure et au travail jusqu’à midi ; déjeuner et au travail jusqu’au soir. Que nous serions heureux de te voir ici, avec ta chère fille !…

XLVIII
Paris, 30 décembre 1843.

Je ne veux pas passer l’année sans t’écrire et t’embrasser avec cette tendresse et ferveur d’amitié que tu connais, pour toi et pour ta fille qui est ta seconde vie et bien à juste titre. T’en entendre parler est pour nous un charme…

Pourquoi vivre ainsi séparés ? C’est bien ma position qui fait mon tourment puisqu’elle m’ôte toute liberté dans la vie, et nie prive de mon ami !… Au bout de soixante-trois ans et les mois de nourrice, je suis parvenu, par un rude travail, à acquérir mon indépendance et je ne