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Sophocle l’a déjà dit en paroles de roi dans son Iphigénie en Aulide, bien mieux que je ne pourrais le traduire. Mais lorsqu’on est peintre de Cour et en faveur, on doit, à ce qu’il paraît, se lever de bonne heure, ne savoir à qui parler, pour qui travailler, ni à qui entendre. La maison est pleine de gens, les affaires se croisent, se heurtent ; quelquefois, deux ou trois lettres à écrire au même moment ; modèle toute la journée, et il faut apporter à ce travail d’enfantement tout le génie requis, la maturité, la raison, l’étude et le style le plus parfait. Et lorsque, harassé de fatigue, on en est au point que les jambes n’en veulent plus et que l’on tombe de sommeil, il faut souvent faire toilette, aller dans le monde et se coucher à minuit, si ce n’est pas à une heure.

Cher ami, à soixante-deux ans bien sonnés, c’est trop : et je n’y pourrais tenir sans l’espoir de me reposer, trois mois, à Dampierre. Mais non. Si j’ai le bonheur d’y aller rendre la vie à un homme qui se désespère de ne pas m’y voir dans les premiers jours d’août, je serai encore dérangé dans ce dit mois pour venir à Paris ébaucher le portrait du Duc de Nemours. Enfin, en novembre, autre galère : les dames de Rothschild et d’Haussonville, le Prince, encore une copie (c’est la cinquième) en pied du Duc d’Orléans et neuf cartons nouveaux pour la chapelle sépulcrale de Dreux, le dessin de la gravure d’Homère et tant d’autres ouvrages qui sont là à