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imagination d’artiste, avait fait revivre un autre Raphaël : en prenant cette fois pour motif l’Apothéose d’Homère. cet adorateur imperturbable des Antiques comptait bien formuler avec cette œuvre sa religion et sa foi en l’art grec. Mais cette croyance à l’idéal des Antiques, qu’il prétendait ressusciter, ne fut encore qu’un credo à l’esthétique des Chrétiens, dont Raphaël avait été le divin poète et dont Ingres serait le copiste impeccable. Si la Vierge de Saint-Sixte, mêlant sa manière à celle de la Madone de Foligno, avait inspiré ce Vœu de Louis XIII habile jusqu’à la perfection, pourquoi l’ordonnateur de l’Apothéose d’Homère ne concevrait-il pas cette autre copie si savante du plus grand des maîtres dans un autre milieu raphaëllesque ? Et ce fut celui où Ingres plaça manifestement l’Apothéose d’Homère, entre la Dispute du Saint-Sacrement et l’École d’Athènes.

Toutefois, en composant son nouveau sujet sur le « patron » des deux pages maîtresses qui lui servaient de modèles, Ingres ne risquait-il pas d’enfermer ses nombreux personnages dans un espace trop étroit pour un si vaste sujet ? Et là, ses héros de la légende et de l’histoire ne se marcheraient-ils sur les pieds et ne se monteraient-ils pas sur les épaules, comme une simple foule de badauds ? au lieu que Raphaël avait fait évoluer la majestueuse théorie de ses saints et de ses philosophes dans une amplitude de portiques et de paysages qui pouvaient, en outre, servir de modèles aux plus harmonieusement ouverts vers l’infini des lignes idéales. Et même, à ne vouloir imiter que son « divin Homère », le maître de l’Apothéose, trop peuplée pour un espace si restreint, n’eût-il pas mieux fait de se rappeler ce principe essentiel aux plus heureuses compositions, qui leur fait produire l’impression la plus grande avec les éléments les plus restreints ? Au lieu de chanter en vingt-quatre livres les neuf longues années de la guerre de Troie, l’Iliade n’en raconte qu’un simple épisode : la colère d’Achille, à qui Agamemnon a ravi Briséis. Et