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Ingres chez lui

Les hommes qui cultivent les lettres et les arts sont tous enfant d’Homère.


Depuis que, plus touché du grand et de sa perfection, je me trouve admis au désespérant avantage d’en mesurer l’étendue, je détruis plus que je ne fais et je suis trop long à combiner les beaux résultats, amant surtout du vrai, ne voyant le beau que dans le vrai, ce vrai qui fait les beautés d’Homère et de Raphaël.


Jamais je ne me hasarderai à montrer, encore moins à donner à graver, une chose faite vite, pas plus que je ne voudrais faire une mauvaise action.


On me reproche d’être exclusif, on m’accuse d’injustice pour tout ce qui n’est pas l’Antique ou Raphaël. Cependant je sais aimer aussi les petits maîtres hollandais et flamands, parce qu’ils ont à leur manière exprimé la vérité et qu’ils ont réussi, même admirablement, à rendre la nature qu’ils avaient devant les yeux. Non, je ne suis pas exclusif, ou plutôt je ne le suis que contre le faux.


Je suis de mon pays, je suis Gaulois, mais non pas de ceux qui ont saccagé Rome et voulu incendier Delphes. Il y a encore de ceux-là, parmi nous. Ils ne détruisent plus, il est vrai, par les armes ; mais, dans leur petit orgueil et dans le dérèglement de leurs mesquines idées, ces petits Gaulois d’aujourd’hui tournent leurs efforts contre leur propre pays en travaillant à le déposséder de l’art véritable. Cet art, ils le minent dans ses racines ; comme les termites, ils en rongent la moelle jusqu’à ce