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cet Olympien sourcilleux désirait tant faire le portrait de sa paysanne de mère, — Alma Mater, à sa manière ! Cet atelier de Rome, dont nous a laissé un croquis si savoureux l’artiste jouant de son violon, entre son chat fidèle et sa femme fidèle, en avait, pourtant, bien assez, de ces dessins et de ces toiles qui ne se vendaient point. Pour les seules impressions d’Italie, le Musée de Montauban cataloguera 15.000 pièces [1] parmi le nombre de celles qu’Ingres léguera à sa ville natale après sa mort. Mais le portrait d’Anne Moulet sera le plus cher au cœur de ce bon fils qui toujours souvenant, écrira, dans sa vieillesse, en tête d’un cahier, cette note, d’une écriture aussi tremblée qu’émue : « Je perdis mon pauvre et digne père, l’an 1814 » à Montauban, âgé de soixante ans, moi à Rome ; et ma pauvre et digne mère à Montauban, l’an 1817, à cinquante-

  1. M. Jules Mommeja a catalogué toutes les pièces de donation d’Ingres au Musée de Montauban, en un manuscrit de plusieurs centaines de pages in-8o. Nous fûmes chargé par l’auteur de déposer ce manuscrit, en 1897, à la Direction des Beaux-Arts, rue de Valois. Depuis, M. Momméja a publié une intéressante étude sur Ingres, dans la Collection des grands Artistes (Laurens édit.) Ce petit livre fait honneur à son auteur ; mais c’est le Catalogue général de l’Œuvre d’Ingres à Montauban, dont on serait en droit d’attendre la publication. Il semble qu’il suffira d’en exprimer le désir à la Direction des Beaux-Arts, pour en obtenir sa prompte réalisation. « J’ai exécuté, m’écrivait-il le 8 octobre 1895, l’inventaire complet du Musée de Montauban pour l’Inventaire des richesses artistiques de France que publie le Ministère des Beaux-Arts, à l’instigation de M. Bardoux, ou mieux de l’excellent M. de Chennevière. Mais, comme vous le pensez bien, je ne m’en suis pas tenu à cette importante, mais assez prosaïque besogne. Comme vous l’avez deviné, j’ai réuni les éléments d’un Catalogue général des Œuvres d’Ingres où les dessins ont leur place, avec les lettres et renseignements divers que j’ai pu recueillir. Pour les débuts de l’artiste à Rome, par exemple, cet inventaire équivaut à une véritable autobiographie. Vous avez parfaitement compris mon projet ; inutile d’insister. »