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séjour enchanté, comme le palais d’Armide, où j’espère te recevoir un jour. Ton appartement t’attend, ma bonne femme compte sur ta fillette qu’il nous tarde de bien gâter.

L’ami Debia te remettra ceci et causera de beaucoup de choses miennes et autres qui peuvent t’intéresser. J’ai reçu cet ami avec plaisir, et ce n’est pas sans lui parler de toi.

Le jeune Cambon, que je vois quelquefois, est un charmant jeune homme qui, à ce que je crois, a un peu de feu sacré. Nous verrons : je l’engage à se présenter pour concourir au Prix de Rome, car c’est le but que doivent se proposer les jeunes peintres. Mais est-il possible ? Vous ne faites plus de musique ? Eh ! que faites-vous donc en province où on a tant de temps ? Est-ce que, d’ailleurs, on peut cesser d’aimer ce qui est si aimable ? Il n’en est pas ainsi de moi. J’en fais souvent, et les sonates d’Haydn, Mozart, Beethoven font la consolation et le bonheur de ma vie, et je crois que je mourrais moralement si je cessais de les dire… Et ainsi des autres grandes et sublimes compositions. Mais jamais rien d’italien. Au diable ! ce veule, ce trivial où tout jusqu’à « Je vous hais » se dit en chantant. Vive Don Juan ! chef-d’œuvre d’esprit humain. Mozart est le dieu de la musique, comme Raphaël est celui de la peinture. Vive ce divin déclama leur ! le seul qui ait, de nos jours, chaussé le cothurne des Grecs, celui d’Eschyle, de Sophocle, d’Euripide et que seuls ils ont inspiré. Vive cet homme extrait