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d’Orléans, ce prince, mon aimable Mécène, auquel je ne pourrai jamais rien refuser. Je ne puis t’exprimer, au reste, comme le roi et toute la famille royale m’ont honoré. Si tu pouvais les approcher et les connaître, tu les adorerais.

Je suis bien vengé : quoique toujours modeste et humble petit garçon devant les Anciens, devant qui je m’incline et dont je tire toutes mes inspirations, il faut avouer qu’il est assez flatteur de voir couler des larmes devant mes ouvrages, et cela par tous les bons esprits délicats : « Vous êtes le premier aujourd’hui » ! me dit-on. Et je vois mes méchants et ridicules envieux à mes pieds.

Eh bien ! mon ami, toi, pour qui je n’ai rien de caché, tout cela et la conviction de ce que je vaux comparé aux modernes, ma position, les plus beaux travaux de l’époque, par conséquent une fortune, résultat naturel de ces œuvres, honoré et reconnu en plus haut lieu, entouré d’une foule d’amis dont je suis chéri et respecté, influent si je le voulais en beaucoup de choses, eh bien ! cher ami, excepté mon art et la musique, rien ne me tente. Je suis flatté, reconnaissant, heureux et glorieux, mais avec modestie, et le « souviens-toi que tu es homme ! » fait que je me traite, aujourd’hui, avec encore plus de sévérité sur mes imperfections et sur tout ce qui me manque pour arriver jusqu’où sont montés les Anciens.

J’aimerais mieux renoncer à tout cela et aller vivre en paix, à Montauban ou en Italie, ignoré