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libertin ; il n’a pas de défauts à craindre ; il promet de me rendre bien heureuse, et j’aime à le croire.

» Tu crois que c’est à Guéret que je vais me marier. Pas du tout, ma bonne amie ! C’est à Rome, entends-tu bien, c’est à Rome. Je vais devenir Italienne, je vais demeurer avec mes cousines ; c’est à elles que je devrai mon bonheur.

» Il faut que mon papa ait la complaisance de me faire afficher à la Municipalité et fasse publier mes bans, et ensuite envoie son consentement et mon extrait de baptême avec l’extrait mortuaire de ma mère. Je t’envoie un certificat du maire de Guéret afin de ne pas apporter de retard. Il faut tout adresser à mon cousin Loréal et mettre le tout sous enveloppe avec cette adresse, qui est la sienne : « Monsieur Moissony de Loréal, greffier en chef à la Cour impériale, à Rome, département du Tibre. » Voici les nom et prénoms de mon futur époux : Jean-Auguste-Dominique Ingres. Il a trente-quatre ans Tu vois que c’est bien assorti.

» Je suis bien punie de ne pouvoir aller à Chalon, mais je suis obligée de partir le 14 septembre pour me rendre à Lyon, où l’on vient me chercher, et de là me conduire à Rome. Mon futur est à Rome. Tu vois que nous nous faisons la cour d’un peu loin.

» J’ai cédé ma boutique à Melle Aubry et n’ai plus à m’occuper que des apprêts de mon voyage. Si tu veux que je reçoive ta réponse, il faut la faire de suite. Je ne t’invite pas à la noce ; tu n’y viendrais pas. Nous comptons venir nous fixer à Paris, avec mon cousin Loréal, sa femme et puis ma cousine Joséphine, qui va aussi se marier, et cela le même jour que moi. Elle épouse un architecte ; il y a six ans qu’ils se font la cour ; ils doivent se connaître.

» Adieu, ma bonne amie. Embrasse bien mon père et dis-lui que je serai heureuse. Je le serais bien davantage, si je pouvais avoir le bonheur de vous avoir tous auprès de moi.

» Adieu je vous embrasse tous ; comme je vous aime.

» Magdeleine ».