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exacte de la toile, à ne rien cacher, pour que vous vouliez bien prendre le soin de faire faire, de suite, le cadre le plus large, le plus riche et le plus grec possible… (Fonds Delaborde).

Ingres.
À. M. Gatteaux.
Juillet 1840.

C’est moi et ce tableau (la Stratonice), qui a troublé ma vie, depuis cinq ans et plus. J’ai vraiment des excuses à vous faire, de ne vous avoir pas donné signe de vie depuis longtemps ; mais ce n’est pas dans ce petit moment où je n’ai que le temps de vous adresser mon tableau et de vous dire tant de choses qui le concernent.

Donc, je viens de le terminer par des retouches et de le livrer à l’encaissement. Quant à vous bien dire ce qu’il est, d’autres vous diront l’effet qu’il vient de produire ici : moi, je ne le vois plus. Dans cette terrible fatigue où je n’ai constamment eu que le désir de satisfaire aux exigences du bel art, de contenter sous ce rapport notre aimable prince et le bon esprit de mes amis, (vous le premier, bien entendu), je lui ai, jusqu’au dernier moment, donné les soins les plus tendres, à ce cruel tableau qui m’a tant tourmenté !

Le voilà enfin adressé au duc. J’espère cependant qu’il ne lui déplaira pas, bien au contraire. Je vous laisse le soin de le lui présenter de la manière que vous l’entendrez ; mais encore faudrait-il qu’il le vit dépoudré, au moins lavé de sa poussière de voyage. Je ne sais, je ne puis vous demander ce que vous ferez. Tout ce que je puis vous indiquer, c’est que, pour le dégraisser et le laver, mon élève Raymond Balze est le seul à qui je puisse le confier. Je désire aussi qu’il ne soit pas verni d’ici à ce que j’arrive à Paris.