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faire oublier, j’ai banni de Paris cet ouvrage, j’ai refusé en résigné un beau travail pour m’en aller, comme le sage Poussin dont tout est à imiter, et jouir, si je le peux, au loin, (car le diable est toujours après vous dans ce monde), jouir d’un peu de tranquille indépendance, pendant six ans, laissant à Paris mes traitements et restant toujours à Rome, si je le puis, ou bien, revenant ici, chercher le tombeau pour mourir deux fois dans cet heureux oubli que je désire.

Tu vois ma résolution prise irrévocablement, depuis le second jour de l’Exposition, résolution qui fut vin baume sur mon cœur et qui m’a fait supporter avec courage et résignation les outrages que m’ont prodigués mes ennemis, y plaçant, en première ligne, collègues et rivaux. J’ai tant à te dire, à te conter, que je n’y puis suffire. Pour cela, il faut que tu viennes nous voir, nous dire adieu, puisque nous ne pouvons pas t’emmener. Eh ! pourquoi donc ? N’es-tu pas libre ? Réfléchis : quel bonheur pour moi, pour nous, de te voir à Rome ! Nous partons irrévocablement du 1er au 15 novembre, pour ta gouverne. Je prie M. Bilcoq de te fortement engager à venir. Il me plait beaucoup, ce M. Bilcoq ; c’est un homme aimable, et nous l’apprécions surtout quand il parle de toi. Il le fait en très bons termes et le regarde, comme le premier citoyen de notre pays, par a les qualités qui te distinguent. Le pays devrait se trouver heureux d’être régi par toi.