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commencée à Rome en 1808 et exposée seulement au Salon de 1855. Il est vrai que, pour avoir été plus précoce, l’Odalisque couchée, qu’Ingres peignit en 1814 et qu’il exposa en 1819, ne le récompensa guère de sa hâte exceptionnelle, avec les quelques misérables cents francs de l’amateur tout d’abord anonyme que ce Salon procura à cette œuvre. Que faire pourtant, entre ce Jupiter et Thétis de 1811, ce Romulus et ce Virgile de 1812, ce Henri IV et cette Chapelle Sixtine de 1814 que l’amateur Marcotte lui commanda enfin, à l’heure où l’infatigable travailleur, perdant son père à Montauban, allait recevoir sa mère à Rome et se croire finalement assez riche pour prendre femme et la faire venir aussi de Guéret, pour ses noces permises par la vente du dernier tableau, le mieux payé des précédents qui ne le furent guère ? Mais ce premier argent, tant mérité, n’allait-il pas faire tourner la tête de son généreux possesseur, qui se résolut à le partager aussitôt en deux, avec son cœur de fiancé lointain pour qui la vie serait peut-être moins cruelle, à la supporter désormais en famille ?

Il ne nous reste aucune lettre d’Ingres amoureux, à cette date, et c’est dommage. Ce fut l’époque où le premier facteur de sa première et désirée fortune fut un camarade d’atelier, le graveur Gatteaux, par qui Ingres connut le riche amateur M. Marcotte. Alors aussi Ingres fréquentait un employé du gouvernement français au département du Tibre, M. Loréal, un compatriote qui se chargea de rapprocher les distances, pour le bonheur de l’ex-pensionnaire de l’Académie de France et d’une Champenoise alors caissière au Grand Café du sieur Dubreuil, à Guéret. Le grand père maternel de Mlle Madeleine Chapelle, fondateur de ce café de province avait été chef de la troupe dramatique Chapelle-Aubry et même, précédemment, violon à la maîtrise de la Chapelle du roi Louis XV, en 1763. En tout cas, si les lettres du « pré-